samedi 29 mars 2014

Révélations (3)

Dommage que je n'avais pas demandé à Vince de réparer les dégâts de l'appartement avant qu'il ne s'éclipse. Pour lui c'était facile, il claquait des doigts et tout était remis en ordre comme par enchantement.
Sam refusa que je le conduise à l'hôpital pour ses côtes cassées et son arcade, il m'assura que d'ici 24h plus rien n'y paraîtrait. J'étais sceptique mais n'insistai pas.
Du coup, je décidai de ranger au mieux le salon pendant qu'il se reposait sur mon lit un moment. J'en profitai aussi pour préparer quelque chose à grignoter. Un peu de rôti froid et une salade composée feraient bien l'affaire. Moi qui ne buvais jamais habituellement, je me servis un remontant bien tassé. Un de mes profs de fac disait toujours qu'un verre de rhum tuait les microbes et les soucis au moins pour 24h ! Je vérifiai donc sa théorie. C'était bon ce machin mais je savais que ça finirait pas m'arracher les boyaux tôt ou tard ! A vrai dire je m'en fichais comme d'une guigne, ma vie n'avait plus aucun sens de toute manière. Plus de mère, plus de souvenirs, un boulot d'ange dont je ne me rappelais absolument rien, un fiancé meurtri à cause de moi et un déchu sexy dans mon lit qui attendait de remettre le couvert depuis 400 ans ! Tout cela représentait un trop lourd fardeau pour une seule psy moi je vous le dis !
L'alcool aidant et comme à chaque fois que je pétais une durite, je mis la musique à fond dans le salon et commençai à m'agiter dans tous les sens pour me défouler. Il devait bien y avoir une réponse à tous mes problèmes, même la chanson sur laquelle je me déhanchais le disait "There's an answer".
Je sautais de partout, jouais au foot avec les coussins du canapé, de toute façon, il y avait déjà tellement de bazar ici qu'un peu de plus ou un peu moins n'aurait rien changé du tout. Les larmes me montèrent aux yeux et vinrent déborder, je me faisais l'effet d'une bête de foire. Tout le monde savait ce qui m'était arrivée, sauf moi ! J'avais envie de tous leur tordre le cou. J'avais honte du comportement que j'étais censée avoir eu en 1680, me fiancer avec un sorcier et coucher avec un déchu, il fallait être rudement gonflée. Pauvre Vince, j'avais été monstrueuse avec lui, comment pouvait-il continuer à m'aimer pour autant ? Je ne comprenais pas.
Je n'avais pas entendu Sam s'approcher de moi, je ne me rendis compte de sa présence que lorsqu'il ceintura ma taille avec ses deux grands bras puissants.
- Alors ma beauté, on commence les festivités sans moi ?
Sam me fit pivoter de façon à ce que je me retrouve face à lui. Il se rendit alors compte aux grandes coulures de mascara que j'étais plus proche du bal des vampires que de fêter nos retrouvailles. Il souleva mon menton de son index pour m'obliger à le regarder. Il comprit alors dans quelle détresse je me trouvais lorsque je me blottis contre ses côtes cassées et que je me mis à déverser un torrent de larmes au moins aussi puissant que les chutes du Niagara !
La psy qui craquait mais c'était le monde à l'envers ! Cela dit les psy sont des humains comme les autres enfin c'est que disait mon prof de fac ... Le problème c'est que je n'étais même plus humaine, j'étais un ange. Et est-ce que les anges étaient habilités à faire des dépressions nerveuses ?! Je n'en savais fichtrement rien !
-
Nora, vas-tu me dire pourquoi mon T-shirt est actuellement en train de te servir de kleenex ?! dit-il gentiment en me caressant les cheveux.
- Je ne sais même plus qui je suis, répondis-je tout en reniflant contre lui.
- Mmm je vois ... Bon, je vais tâcher d'éclairer un peu plus ta lanterne sur quelques zones d'ombre, peut-être que ça t'aidera.
Sam s'installa avec précautions dans le canapé éventré, il grimaça avec ses côtes qui le rappelaient à l'ordre. Il tapota le coussin afin que je vienne m'asseoir et me caler contre lui.
- As-tu deviné pourquoi je m'étais absenté de longues semaines après que tu sois tombée malade pendant l'hiver 1680 ?
- Non, mon journal ne mentionne rien à ce sujet de toute façon.
- Et bien, j'avais été convoqué par le Conseil des Cinq pour rendre des comptes sur mon activité auprès de toi.
- Comment ça se fait ? Je croyais que tu bossais pour le grand cornu !
- Ma beauté, il faut vraiment tout t'expliquer. Je n'étais pas un déchu au moment où je t'ai connue en 1679.
J'ouvris de grands yeux ronds.
- J'étais ton ange gardien ma jolie. Et quand les hautes autorités se rendent compte qu'un gardien se rapproche un peu trop de l'humaine sur laquelle il est censé veiller, il y a un rappel à l'ordre et éloignement temporaire.
- Tu étais mon ange gardien ?! J'hallucine, toi un gardien ?! Mais avec ta dégaine de bad boy, je n'aurais jamais cru que tu travaillais pour ... pour .... Dieu !
C'est criminel d'envoyer pareille tentation sur Terre !
- Je pourrais te retourner le compliment ! C'était criminel de me regarder avec tes yeux de biche innocente et aaaaaaaaaahhhhhhhhhhh ... tu m'as fait perdre tout professionnalisme !
- Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
- Bah quoi ?! C'est vrai tu m'as mis dans un tel état que j'ai laissé en plan tous les autres humains à qui je devais assistance. Bref, le Big Boss et les cinq n'ont pas du tout apprécié, ils m'ont fait la leçon et bourrage de crâne en passant par la mauvaise conscience. J'avais été prévenu que si je t'approchais à nouveau, j'aurais de gros ennuis. Mais je n'ai pas pu résister bien longtemps, il fallait absolument que je te revois au moins une fois. Sauf que je n'ai pas pu me résoudre à te laisser vivre ta vie avec Vince. J'ai été très égoïste et je l'ai payé chèrement ensuite.
Sam se tût quelques instants. J'étais suspendue à ses lèvres, attendant impatiemment qu'il me raconte la suite.
-La nuit que nous avons passé ensemble a été la plus merveilleuse de toute mon existence et Dieu sait si je ne suis pas de la première jeunesse !
- Tu as quel âge d'ailleurs ?
- Plusieurs siècles et beaucoup de poussières ! Hum !
Je ne pus réprimer un éclat de rire.
- Bref, notre ami Van Helsing travaillait déjà comme informateur pour l'ange Métatron, le plus influent du Conseil des Cinq, qui en échange de ses bons et loyaux services, lui avait promis l'immortalité.
- Le Méta quoi ?
- Métatron ! Tu n'as pas encore lu Anges et Démons pour les Nuls, je devrais te botter les fesses pour ne pas avoir fait tes devoirs correctement ! Je te reparlerai de lui plus tard.
Durant la fameuse nuit que nous avons passé ensemble, Vince nous a surpris. De rage et de désespoir, il est allé nous dénoncer à Van Helsing. Il savait ce que j'encourais comme risque et il savait également que tu périrais si tu étais accusée de sorcellerie. Il préférait te savoir morte que d'être entre mes mains, tout ce qui lui importait c'était de me détruire. En échange de sa dénonciation, Van Helsing lui assura qu'il intercèderait en ta faveur et que tu pourrais revenir d'entre les morts d'une manière ou d'une autre.
- Si je suis devenue un ange c'est grâce à Van Helsing et à Vince ??
- Il faudrait plutôt dire merci au Métatron et à sa clique en ce qui te concerne.
Quant à moi, on m'a passé les menottes célestes et obligé à assister à ton exécution. J'ignorais qu'on te donnerait l'immortalité par la suite. Je suis passé en jugement devant le Big Boss et le Conseil, tous ont décidé de m'arracher les ailes. C'est donc à partir de ce moment que je suis devenu un déchu. Mais je ne travaille pas essentiellement pour le grand cornu comme tu l'appelles, disons plutôt que je suis en free lance maintenant !
Mon sort est donc scellé mais le tien est encore à déterminer. Imagines-toi bien que si le Conseil apprend qu'un de ses anges, Toi, fricote avec un déchu, Moi, ce qui représente une circonstance aggravante aux vues des évènements passés, tu vas entendre parler du pays. Et tu pourrais finir dans les limbes !
- Sam ?
- Oui ma beauté ?
- Est-ce que je suis dans une panade monstre ?! déglutis-je péniblement.
- Je crains que oui !

A suivre ...









vendredi 28 mars 2014

Sam VS Vince (Round 2)

J'ignorais par où commencer mais Vince ne sortirait pas d'ici sans m'avoir fourni un complément d'informations utiles.
Il me lança son regard vert magnétique mais je voyais bien qu'il n'était pas aussi à l'aise qu'il voulait le laisser paraître.
- Que se passe-t-il ? dit-il innocemment en enlevant son blouson.
- Ce qui se passe ? Ce qui se passe ? Le ciel vient de me tomber sur la tête et je pourrais boire un litre entier d'huile essentielle de lavande que ça ne calmerait pas mes nerfs pour autant !! aboyai-je.
- Inutile de s'intoxiquer, je vous préfère vivante et furax. Comment pourrais-je encore tenter de vous séduire si vous mourez pour une bêtise ?!
- Ah ah ! Très drôle, vous avez un humour débordant mais figurez vous que je viens d'apprendre que je suis déjà morte il y a environ 400 ans alors, ça ne change plus grand-chose pour moi !
Vince se racla la gorge avant de se laisser tomber dans le fauteuil de Winston. Tant pis pour lui, il aurait plein de poils gris collés sur l'arrière de son jean noir !
- Mmm, je vois que la vérité commence à ressurgir. Des souvenirs vous reviennent ?
- Mis à part le moment où je rêve que des flammes viennent me lécher les pieds et où je meurs en suffoquant, non, j'ai tout appris en jouant à Colombo avec ce fichu carnet et ma fausse mère m'a lâché des infos de premier choix. Mais j'attends votre confirmation des faits.
J'étais restée debout et je le toisais avec mon air des mauvais jours.
Vince poussa un soupir à fendre l'âme. Chouette il allait se mettre à table !
- Que voulez-vous savoir au juste ?
- Tout bon sang ! Vous allez jouer encore combien de temps avec mes nerfs dites moi ?!
- En 1680, vous êtes morte à cause de Sam et de moi. Vous étiez très indécise en ce qui nous concernait tous les deux, impossible de savoir avec qui vous alliez finir. Pendant un temps, j'ai cru que vous me choisiriez et puis tout a été remis en question quand l'autre déplumé est revenu de nulle part. Vous ne saviez plus où vous en étiez.
- Oui c'est ce que j'ai cru comprendre en lisant mon journal.
Il leva un regard mélancolique vers moi.
- Nora, s'il y a bien quelque chose que je dois vous avouer en dépit de mes défauts et de mes erreurs, je vous ai toujours aimée, depuis le début.
Ce qu'il me dit me toucha profondément mais je décidai de ne rien laisser transparaître.
- Vous aviez une bien curieuse façon de le montrer.
- Il est vrai qu'à l'époque, j'étais beaucoup plus introverti et bourru que maintenant. Il n'en reste pas moins que mes sentiments étaient sincères et qu'ils le sont toujours.
Je pris une longue inspiration avant de poursuivre mon interrogatoire. Avec tout son étalage de bons sentiments, il allait me couper dans mon élan. C'était peut-être le but recherché ! Attaque dans le vif du sujet Nora, te laisse pas faire !
-
Qui m'a vendue à Van Helsing ?
- Je ne vous le dirais pas tout de suite parce-que ça fausserait votre jugement.
- Vous vous protégez ou vous protégez Sam ?
- Je n'ai que faire du déchu ! Il est mon ennemi, il n'y a que pour vous que je supporte sa présence.
- Alors crachez le morceau ! dis-je pleine de rage.
Vince se leva du fauteuil pour me faire face. Il prit mes mains dans les siennes.
- Nora, vous ... tu avais promis de m'épouser avant que Sam ne revienne.
- Quoi ???
- Oui c'est la vérité et puis quand il est réapparu, tout a changé.
Vince caressa ma joue droite avec une infinie douceur.
Alors là je ne m'y attendais pas à celle-là !
-
Tes yeux brillaient comme jamais en sa présence, pas une fois tu ne m'avais regardé comme ça, pas comme lui.
Je déglutis avec difficulté, je voyais quelle peine j'avais pu lui faire.
- Et donc que s'est-il passé ensuite ?
Pour toute réponse, Vince sortit de sa poche la page manquante du journal qu'il me tendit.
- Tu devrais lire ça et on en reparle plus tard. Mais garde à l'esprit que quoiqu'il se soit passé, je n'ai jamais cessé de t'aimer.
Je regardais la page comme si elle allait me brûler les doigts. C'était terrible de ne pas me souvenir de ce que j'avais fait 400 ans plus tôt !
Sam en profita pour réapparaître.
- Alors Merlin, on a toujours pas le courage de ses actes ?! lança-t-il avec un air de triomphe.
- Toi le déplumé, je t'ai pas sonné ! Si tu avais respecté les règles de ton patron, on en serait pas là ! grogna Vince.
- Sttttooooopppppp ! hurlai-je. Personne ne quittera cette pièce avant que je ne sache tout !
- Désolé Nora, mais je ne resterai pas dans le même espace que le mec avec qui tu as couché alors que nous étions fiancés ! Merde !
- C'est ça dégage espèce de lâche ! cracha Sam par-dessus mon épaule.

Soudain, Vince me poussa sur le côté et fonça sur Sam. Tout y passa, coups de poing, coups de pied, prises de judo, à croire que mon salon s'était transformé en ring de boxe ou en tatami. Pas moyen de savoir qui allait remporter le combat, ils semblaient aussi forts l'un que l'autre. Tout un tas de noms d'oiseau fusèrent durant leur corps à corps. J'étais totalement impuissante face à leur furie.
Bilan des opérations au bout de 15 minutes de pugilat : un canapé éventré, deux lampes brisées, un chat mort de trouille, un sorcier avec un oeil au beurre noir et la lèvre fendue, ainsi qu'un déchu avec deux côtes cassées au moins et l'arcade sourcilière ouverte. Moi je dis ça aurait pu être pire !
Heureusement que les immortels cicatrisent plus vite que le commun des mortels.
- C'est pas bientôt fini vos âneries ! Vous vous conduisez comme de sales gamins. Maintenant balancez-moi tout ce que j'ignore encore ou je vous achève ! dis-je en brandissant une poêle Téfal que j'avais été récupérer à la cuisine pendant la bataille.
Tous deux me jaugèrent, puis éclatèrent de rire. Je devais avoir l'air totalement ridicule avec ma poêle mais je n'avais vraiment pas envie de me marrer avec eux.
De toute façon, la bonne humeur ne dura pas longtemps, rien qu'à voir leurs têtes, je devinais sans peine qu'ils avaient envie de se mettre une nouvelle raclée.
- Nora, je veux bien tout t'expliquer mais fait d'abord partir le blondinet morveux de chez toi ! dit Sam.
- Ca tombe bien je m'en vais, je reviendrai quand tu te seras envolé espèce de déplumé ! rétorqua Vince dont la lèvre inférieure dégoulinait de sang.
Il claqua des doigts et s'évanouit dans les airs.
Quant à Sam, il se tenait les côtes et avait visiblement du mal à respirer normalement.
- Tu m'aides à me relever mon ange ? demanda-t-il avec un regard implorant.
Comme si ce grand dadet ne pouvait pas se dépatouiller tout seul, j'étais certaine qu'il avait déjà combattu une horde céleste à lui tout seul. C'était du chiqué tout ça ! Mais bonne poire, je déposai mon arme fatale sur le canapé et lui tendit la main. Quand il fut debout, je lui balançai une gifle mémorable. Putain que ça faisait mal, mais ça m'avait soulagée !
- Celle-là c'est pour m'avoir menti depuis le début !
Sam ne put réprimer un sourire.
- J'adore quand tu fais ta rebelle ! Enfin je te retrouve ! dit-il en prenant mon visage en étau entre ses grandes mains.
Ses prunelles noires brillaient d'une nouvelle intensité que je ne lui connaissais pas. Puis il me serra si fort dans ses bras que je crus en perdre la respiration !
Il me serrait comme un dément qui avait peur que je me sauve dans la seconde qui allait suivre.
- Bon alors ces aveux, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? demandai-je quand il me relâcha enfin.
- Pour dans 5 minutes !
- Hein ?
- J'ai d'abord un truc à faire !
- Quoi encore ??? grommelai-je d'impatience.
- Juste ça ! J'attends ce moment depuis 400 ans, je n'attendrai pas une minute de plus.
Il passa une main derrière ma nuque et m'embrassa comme un possédé. Il fallait bien admettre que ce baiser venait de me faire quitter le sol. Bon en même temps pour un ange c'était facile de décoller de la terre ferme ! Ah ah !
Il s'arrêta un instant pour que nous puissions reprendre notre souffle.
- Alors ? dit-il.
- Quoi ? C'était un baiser fantastique si c'est ce que tu veux me faire dire !
- Et c'est tout ? insista Sam.
- Euh ... oui pourquoi il devrait y avoir autre chose ?
Il m'inquiétait tout d'un coup.
- Rien ne te revient en mémoire, tu en es certaine ?
- Non pourquoi ça devrait ?!
- Oui avec ce seul baiser, tu serais censée retrouver les souvenirs qui t'ont été effacés et visiblement là ce n'est pas le cas.
Sam leva un sourcil sceptique.
- Et c'est grave à ce point ? demandai-je naïvement.
- Très, ça veut dire que le Conseil des Cinq a trop bien fait son boulot et que ton cerveau est comme un disque dur vierge, tu ne te rappelles même pas de ta condition d'ange, je parie ?
- Absolument pas !
- Et bien ils ne vont pas se marrer là-haut. J'ai effectivement intérêt à te faire un briefing poussé avant que tu ne sois appelée par le Big Boss et jetée dans la fosse aux lions.
Je sentais une douleur épouvantable affluer dans mon crâne, mon estomac faisait des noeuds.
- Ah parce-qu'en plus on va me demander des comptes ?! m'écriai-je.
- J'en ai bien peur. Autant le vieux est sympa, autant les cinq qui lui servent d'adjoints sont redoutables.
- Ils sont si horribles que ça ?
- Pire, ils ne transigent pas avec les règles. Il n'y a qu'à voir ce qu'ils ont fait de moi il y a 400 ans. Ils sont impitoyables, inflexibles et ils peuvent te réduire à néant comme bon leur semble.
Cela dit, ils attendront bien demain. Ce soir, je t'ai pour moi tout seul et je compte bien en profiter, dit-il avec un clin d'oeil ravageur.
- Sauf que tu oublies un détail mon ptit vieux, comme je ne me souviens de rien, il va aussi falloir repartir de zéro et me reconquérir. Je ne vais pas te tomber toute cuite dans les bras.
Sam éclata de rire.
- A mon avis, la tâche n'est pas insurmontable !
- Que tu crois ! Commence déjà par te couper les cheveux !

A suivre ...







jeudi 27 mars 2014

La fausse mère

Je sortis de ma chambre au pas de charge dans un état de furie indescriptible.
Même Winston déguerpit en me voyant débouler dans le salon. La supposée Margaret Chester me regardait comme si j'allais l'étriper mais elle ne perdit pas pour autant son calme.
- Qui êtes-vous ? articulai-je méchamment.
- Comment ça qui je suis ? Tu perds la tête ma chérie ! dit-elle.
Je croisai les bras en signe d'impatience, je n'étais pas prête à me laisser embobiner cette fois.
- Arrêtez vos simagrées, j'ai compris que vous n'étiez pas ma mère. Ce carnet le prouve, éructai-je en brandissant le journal que j'avais dans la main.
Margaret leva un sourcil inquisiteur, elle gardait les lèvres pincées. Au bout de quelques secondes de tension extrême, elle finit par pousser un énorme soupir.
- Bien, je vois qu'il est inutile de jouer la comédie plus longtemps, vous commencer à retrouver vos esprits. Il était temps !
- Pardon ?? Je retrouve mes esprits, mais que suis-je donc censée comprendre et puis qui êtes vous bon sang de bonsoir ?!
Ma fausse mère prit quelques instants de réflexion et se décida à me lâcher quelques bribes de vérités.
- Je ne suis pas votre mère.
- Ouais bein ça merci, je viens de me le prendre dans les gencives. Apprenez moi quelque chose que j'ignore.
- Je ne suis pas habilitée à tout vous dire.
- Fabuleux ! Et qu'est-ce que j'ai le droit de savoir ? m'énervai-je.
- Tout d'abord sachez que je suis votre gardienne provisoire.
- Ma quoi ??
- Votre gardienne provisoire, je joue à la nounou avec vous depuis près de 30 ans et honnêtement la tâche n'a vraiment pas été passionnante tous les jours croyez moi !
- Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par gardienne provisoire ?
Margaret leva les yeux au ciel en signe d'agacement.
- Rhooo vous comprenez vite mais il faut vous expliquer longtemps à vous !
Je suis votre ange gardien provisoire depuis que vous êtes revenue sur Terre. Et si vous voulez mon avis, votre nouvelle expérience d'humaine est un vrai désastre, vous n'avez vraiment pas fait mieux que la première fois. Votre dossier terrestre est nul à chier excusez-moi de vous le dire. Et de surcroît, vous traînez avec les mêmes créatures qu'avant qu'on vous envoie brûler ! Franchement, vous n'avez vraiment pas compris le but de l'opération. Vous êtes en train de réduire en miettes votre deuxième chance.
J'en restai interloquée !
- Et puisque vous semblez aussi bien vous entendre avec les non-humains, le Grand Patron va vous refiler le poste qu'il voulait déjà vous donner, il y a 30 ans ma ptite dame ! Remarquez, ça ne changera pas grand-chose à votre quotidien, vous faisiez déjà le boulot sans le savoir.
- Attendez deux minutes, mais de quoi est-ce que vous parlez ?? C'est qui le big boss ??
Ma fausse mère lâcha un soupir à fendre l'âme, vida sa tasse de thé d'un trait et me fixa attentivement.
- Écoutez Nora, je vous aime bien mais là il va falloir faire un effort. Je sais bien que le Conseil des cinq a décidé de vous effacer la mémoire avant de vous renvoyer sur Terre mais là, permettez moi de vous le dire, vous patinez dans la semoule !
- Attendez que je m'asseye deux minutes, il faut que mes neurones se mettent en route !
Qu'est-ce qu'elle me racontait ? J'avais l'impression de naviguer en plein délire.
- Vous devriez peut-être tenter l'hypnose ! Parait que ça fonctionne pour se souvenir des choses ?! dit-elle ironique.
- Je voudrais bien mais je ne peux pas la pratiquer sur moi-même.
- Demandez au sorcier, il saura sûrement faire ça puisqu'il est neurologue, ça ne devrait pas être trop compliqué pour lui !
- Oui bein excusez-moi Maggie mais je n'ai pas que ça à faire !
- Maggie ?! Pffff ... Pour votre gouverne, sachez que je m'appelle Lila mais bon si vous y tenez je préfère encore Maggie parce-que maman ... beurk !
- Peu m'importe comment vous vous appelez, je veux tout savoir.
- Bon alors pour résumer, à cause de vos fréquentations douteuses, forcément si vous aviez choisi le bon gars, vous ne seriez pas morte sur un bûcher. Mais comme ce n'était pas vous que la punition visait principalement, le Grand Patron, dit-elle en pointant l'index vers le plafond, a décidé de vous donner une paire d'ailes blanches.
Je mis quelques secondes à digérer l'information.
- Lila, vous n'êtes quand même pas en train de me dire que je suis un ange ???
- Alleluia ! Elle a de nouveau le cerveau qui carbure ! Bien sûr que si espèce de grande bécasse, et comme là haut vous étiez un ange qui bossait bien, pour vous faire une petite faveur, le Grand Patron, vous a laissé quelques années sur Terre pour retenter l'expérience de la vie humaine. Mais là, vous avez échouez lamentablement.
- Et pourquoi donc ?? m'écriai-je.
- Vous fricotez avec un sorcier et un déchu, vous croyez que c'est du goût de tout le monde là-haut ??!!
- Non mais dites donc, vous n'étiez pas terrible comme mère et je ne vous ai jamais fait de réflexions désagréables, alors abstenez vous de critiquer ma vie sentimentale !
- Je ne critique rien, je constate c'est tout !
- Bon, je vous en ai déjà bien assez dit sinon le Conseil va me virer !
- Ce ne serait pas une grosse perte, grinçai-je.
Lila me lança un regard noir.
- Ils vous contacteront bientôt et croyez-moi, vous allez devoir rendre des comptes. Vous n'étiez pas censée revoir les deux autres zigotos, tant pis pour vous !
Elle claqua des doigts et se volatilisa.
A ce moment là, Vince en profita pour se matérialiser dans le salon.
- Ah vous tombez bien vous ! J'ai deux mots à vous dire ! grondai-je.


A suivre ...

mardi 25 mars 2014

Révélations (2)

Je sortis de la salle de bain dans un état plus que second. Le vétiver m'avait complètement shootée à moins que ce ne soit le massage de Sam qui m'ait carrément mis la tête à l'envers. Toujours est-il que j'étais plongée dans le flou artistique le plus total. J'avais à la fois trop et pas assez d'éléments en ma possession. Je décidai de reprendre le carnet depuis le début, pas une ligne n'échappa à mon analyse. Même en essayant de lire entre les lignes, je ne voyais pas où les choses clochaient. Je m'étais convaincue que l'élément clé résidait dans la page qui avait été arrachée. J'aurais dû soutirer cette feuille à Van Helsing, qui d'autre pouvait l'avoir à part lui de toute façon ?
Winston vint réclamer son dû en monnaie de croquettes, je l'avais complètement oublié le pauvre. Mes pensées étaient tournées quatre siècles plus tôt et malgré moi, vers les mains expertes de Sam. Si Vince avait été dans le coin, il lui aurait volé dans les plumes. Je me morigénai moi-même tellement je me trouvais stupide de l'avoir laissé faire. Tout mon bon sens disparaissait face à ce type.
Je fus sortie de ma rêverie par la sonnette de la porte d'entrée. Je n'attendais personne.
Quand je vins ouvrir c'est ma mère que j'eus en face de moi. Toujours tirée à quatre épingles, celle-ci était mon complet opposé, à se demander si on venait vraiment de la même famille. Mrs Margaret Chester était l'archétype même de la mère moralisatrice et qui n'aimait absolument pas être dérangée par sa progéniture. Heureusement qu'elle n'avait eu que moi et que j'avais été une enfant relativement sage d'après ses dires. Mon enfance ne m'avait laissée que des souvenirs assez vagues de toute façon.
- Bonjour ma chérie !
- Bonjour m'man !
Elle m'étudia quelques secondes dans l'entrée.
- Tu as une petite mine, tu travailles trop j'en suis certaine. Tu devrais laisser tes dépressifs pour sortir t'aérer un peu plus.
- Je voudrais bien mais je n'en ai pas toujours le temps, éludai-je.
Nous allâmes nous installer sur le canapé.
- Tu veux boire quelque chose ?
- Oui un thé s'il te plait.
Je revins de la cuisine avec deux tasses fumantes et une assiette de biscuits.
- Tu ne m'avais pas dit que tu allais passer, dis-je ne m'asseyant près d'elle.
- Je me suis décidée au dernier moment en revenant de la Messe.
Ah oui, j'avais oublié de préciser qu'elle était une vraie grenouille de bénitier, chose qui m'exaspérait à un point pas possible. A croire que je lui en voulais d'avoir foi en quelqu'un d'impalpable et pour lequel tant de sang continuait à couler au nom de la religion.
- Alors où en es-tu de tes recherches généalogiques ? m'interrogea-t-elle.
- Oula c'est plus complexe que je ne l'imaginais au départ.
- Mais encore ?
- Eh bien je dispose de certains éléments mais les circonstances de la mort de cette Nora Elizabeth Chester sont plutôt floues. On l'a accusée de sorcellerie mais elle était visiblement innocente et a surtout fait les frais de la jalousie d'une personne mal intentionnée. Sauf que j'ignore de qui il s'agit.
Margaret hocha la tête et but une gorgée de thé.
- Et tu n'as aucun autre élément ?
- J'ai pu avoir entre les mains son journal intime mais une page manque et visiblement c'était la plus importante du carnet.
- Ce n'est sûrement pas un hasard.
- Je suis du même avis que toi, dis-je en plongeant le nez dans ma tasse.
- Et bien je te souhaite que tes recherches avancent. Au fait et dans ta quête du fiancé idéal, tu avances aussi ?
Et voilà on y était, la sempiternelle question qui m'agaçait autant que la messe !
Pour une fois, j'allais lui donner du grain à moudre.
- Et bien j'ai rencontré deux hommes la semaine dernière ! Un blond charmant et un brun super sexy.
Margaret Chester recracha son thé tant elle ne s'attendait pas à une telle réponse.
- Et tu comptes les revoir ?
Je fis mine de réfléchir.
- Je pense que oui.
- Voilà qui est bien mais tu devrais vite en éliminer un des deux rapidement sinon tu risques d'avoir de gros problèmes.
- J'aime bien avoir l'embarras du choix, ironisai-je.
- Tu as 30 ans je te le rappelle et je voudrais bien avoir des petits enfants.
- Mais oui maman, ça viendra bien un jour ! Ta descendance sera assurée ne t'en fais pas.
Tout à coup je marquai un temps d'arrêt. Mes neurones firent connexion.
Je me précipitai sur le carnet qui était resté dans ma chambre en plantant ma mère dans le salon. Une partie du problème résidait en effet dans la toute première ligne et j'étais passée à côté depuis le début. Nora Elizabeth avait bien écrit noir sur blanc "je n'ai ni mari, ni enfant" ...
Si elle n'avait pas eu d'enfant comment se pouvait-il que je sois sa descendante ?! Pas d'enfant, pas de descendant, rien de plus logique. Donc qui étais-je par rapport à elle ?
Mon cerveau fonctionnait à la vitesse de la lumière. Me revint en mémoire la phrase que Sam avait prononcé dans le restaurant avant que je ne tombe dans les pommes. Nous parlions de Van Helsing et il avait dit "nous ne le laisserons pas vous faire de mal cette fois". Ce qui sous-entendait qu'il m'en avait déjà fait avant.
Oula oula oulala ! Et si je repensais aux petites phrases sibyllines de Vince sur la mémoire, les comparaisons avec une amnésique qui doit rechercher les pièces du puzzle d'après Sam.
Mais ils se sont bien foutus de ma tronche ces deux-là !!
JE SUIS NORA ELIZABETH !!!!
Et si je suis cette fille brûlée vive sur un bûcher, ce qui en soit n'a aucun sens, qui est donc la femme qui prétend être ma mère et qui boit le thé dans mon salon ???

A suivre ...

dimanche 23 mars 2014

Entretien avec un déchu.

Quelque part au milieu du parc de la ville, sous le couvert des arbres.
- Pourquoi lui avoir parlé ? Quel est votre intérêt de remuer toute cette boue ?
- Mais enfin très cher, il faut bien que la vérité triomphe ! On me prend toujours pour le bourreau de service, ce qui n'est pas si faux mais j'ai tout de même une réputation à préserver. J'ai horreur qu'on me mette tout sur le dos ! J'exécute les ordres des hautes instances mais je ne mets jamais personne à mort pour le plaisir. La réduire en cendres a été un gâchis pour vous, pour Elle, pour l'autre, pour moi. Même le Grand Patron n'a pas vu cela d'un très bon oeil mais il a laissé faire le Conseil des Cinq.
- Au bout de 400 ans, l'eau a tout de même coulé sous les ponts.
- Pour moi comme pour vous, les siècles n'ont aucune importance. Tout est toujours aussi vivace.
- Mmm ...
- Vous savez très bien que j'ai raison même si la mémoire fait parfois défaut sur ce qui nous dérange le plus.
- Sauf que quand elle saura ce que j'ai fait, même si c'était par amour, elle me détestera et mettra un point d'honneur à me massacrer et l'autre l'y aidera.
- C'est à vos risques et périls mon vieux, de toute façon, vos actes vous ont déjà tué à petit feu depuis quatre siècles, il est tant d'alléger votre conscience et que la vérité éclate. Je doute en effet qu'elle vous pardonne mais cela vous laissera l'occasion de vous expliquer.
- Encore faudrait-il qu'elle m'en laisse le temps ! Mais je garde tout de même l'espoir de la conquérir, il se peut qu'elle change d'avis en ce qui me concerne, je ne suis plus le même homme qu'avant.
Van Helsing eut un rire sinistre.
- Mon cher, ne vous leurrez pas, on reste toujours tel que l'on est. Quand on a trahi une fois, on trahit toujours !
                                                                  ***
Je ne m'étais pas aperçue que j'avais couru aussi loin. Lorsque j'arrivai enfin à la maison, l'averse m'avait littéralement trempée. Mes cheveux étaient plaqués sur mon visage, je détestais ça. Je me déchaussai rapidement pour ne pas mettre de la boue plein l'entrée. Et tant que j'y étais, j'enlevai dans la foulée mon sweat et mon t-shirt qui étaient bons à tordre. Je me rendis dans la chambre pour prendre des vêtements propres avant de filer sous la douche quand je trouvai Sam affalé sur mon lit en train de lire le carnet de Nora Elizabeth.
- Encore vous ?! m'exaspérai-je.
- Charmant spectacle, répondit-il avec un sourire carnassier.
Je pris conscience que je me baladais en soutif et pantalon de survêtement, voilà qui n'était pas terrible pour me donner de l'aplomb et le renvoyer à ses études !
- Si vous le dites ! Sam, est-ce qu'il vous arrive de vous comporter comme quelqu'un de normal ? De sonner à la porte ou de téléphoner avant de venir ?
Sam leva le doigt et fit semblant d'appuyer sur un bouton imaginaire.
- Ding dong ! Est-ce que cela vous convient ?
- Pfff, vous m'agacez ! Je vais prendre une douche, quand je ressortirai de la salle de bain, faites moi le plaisir d'avoir décampé de mon lit ! Et laissez ce carnet tranquille, ajoutai-je en le lui prenant des mains.
- Bien madame ! Comme il plaira à madame ! se moqua-t-il.
Je tournai les talons et partis m'enfermer dans la salle de bain en bougonnant.
Je fis couler de l'eau brûlante et me savonnai énergiquement. J'étais frigorifiée par la pluie qui avait traversée mes vêtements, mes muscles en étaient douloureux.
Je sortis de la douche, m'enroulai dans une serviette et m'approchai du lavabo pour prendre de quoi me démêler les cheveux. Ce ne fut qu'à l'instant où je relevai le visage vers le miroir que je m'aperçus que Sam se trouvait aussi dans la salle de bain.
Je levai les yeux au ciel et m'apprêtai à pousser une bonne gueulante lorsqu'il avança à pas de loups pour me dessaisir de mon peigne et de ma bouteille de soin sans rinçage.
Sam mit un index sur mes lèvres pour m'intimer le silence et il me fit pivoter vers le miroir. Je me demandais bien ce qu'il allait inventer. Il dévissa la bouteille, prit une noisette de produit qu'il étala soigneusement sur mes longues boucles châtain.
Puis il empoigna le peigne et entreprit de démêler ma chevelure mèche à mèche. Forcément il avait l'habitude de ce genre de corvée vu la tignasse qu'il se payait !Je ne pensais pas qu'il puisse faire cela aussi délicatement, il ne m'arracha ni un cheveu, ni une protestation ! Mais bon sang, pourquoi est-ce que je le laissais faire ? Si ça se trouve c'est lui qui avait précipité Nora Elizabeth dans le feu et moi je faisais quoi au lieu de lui arracher des aveux ou de lui coller une droite ? Je le laissais jouer au coiffeur ! Hallucinant ! Maman disait toujours qu'on accusait pas sans preuve, alors il fallait bien laisser le bénéfice du doute jusqu'à preuve du contraire.
Bénéfice du doute mon oeil, avoue Nora, t'en ferais bien ton quatre heures du Sam hein ?!La salle de bain embaumait le vétiver. Il fallait bien admettre que c'était agréable de se faire chouchouter, même si c'était par un ange déchu super sexy et traitre potentiel, je n'aurais pas échangé les cinq dernières minutes pour un billet gagnant de la loterie.
Sam entortilla mes cheveux pour les relever en chignon sur le dessus de ma tête à l'aide d'une grosse pince. Il examina la tablette du lavabo puis sourit en empoignant la bouteille de crème pour corps. Non il n'allait tout de même pas se mettre à tartiner ma peau ?!
Je fronçai les sourcils mais il hocha la tête avec un sourire tellement ravageur que je ne protestai pas non plus. Du moment que je gardais ma serviette c'était l'essentiel !Il commença par un bras en remontant doucement du poignet vers l'épaule, puis fit de même avec l'autre bras. Je ne pus réprimer un frisson lorsqu'il entreprit d'étaler la crème sur le haut de mon dos et ma nuque qu'il massa délicatement. La serviette était en train de glisser dangereusement et je la retins afin de ne pas perdre toute dignité. L'honneur était sauf au moins en ce qui concernait la partie face de mon anatomie, parce-que la partie pile était ... à poil !Les mains expertes de Sam s'aventurèrent vers ma chute de reins, il procédait par subtils effleurements. Je me mordis la lèvre inférieure, là il me rendait totalement dingue, je laissai échapper un soupir malgré moi. Je m'agrippai à ma serviette le temps qu'il dépasse mon popotin sur lequel il s'attarda plus que de raison, pour finir sur toute la longueur des jambes jusqu'aux chevilles. Je vis dans le miroir le reflet du grand ténébreux remonter à ma hauteur. Puis il se inclina doucement ma tête sur le côté afin de déposer dans mon cou de petits baisers savamment dosés. Punaise Nora, tu perds les pédales ma vieille, réveilles-toi ! D'ici trois minutes tu vas signer un pacte avec le grand fourchu si tu continues !
-
Alors Miss Chester, votre lecture a-t-elle été enrichissante ? murmura-t-il en continuant son petit manège.
- Très, articulai-je difficilement.
- Qu'avez-vous appris d'intéressant ?
- Que mon ancêtre était une femme très convoitée ...
- ... tout comme vous ma beauté, souffla-t-il à mon oreille.
- Euh ... ah bon ... si vous le dites ... mais vous n'êtes pas très objectif, si ?!
- Remettriez-vous mon jugement en question Miss Chester ? fit-il d'une voix de velours.
Il continua à promener ses lèvres jusqu'à mon épaule.
Mon Dieu sauvez-moi il va me faire craquer et je ne peux pas craquer maintenant ! Pas tant que j'ignore tout ce qui s'est passé !
-
Non pas du tout, pépiai-je.
- Je préfère ça.
- J'ai aussi appris qu'elle n'était pas insensible à votre charme, ni à celui de Vince. Et qu'elle a passé une nuit avec l'un de vous deux sauf que ...
- Sauf que ?
- J'ignore avec qui !
Sam releva la tête, ses yeux brillaient anormalement.
- Et vous mourrez d'envie de le savoir, dit-il taquin.
- Mais je sais très bien que vous ne me direz rien.
- Vous devinez juste ma beauté.
Sam enlaça ma taille et vint coller sa joue contre la mienne. Cette proximité qui aurait dû être dérangeante, me semblait étrangement familière.
- Pourquoi cela ? insistai-je.
- Tout simplement parce-que vous n'avez pas trouvé l'élément premier qui vous fera dénouer tout le fil de l'histoire. Nora, partez du principe que vous êtes comme une victime amnésique et qu'il vous faut retrouver tous les indices afin de reformer le puzzle. Impossible d'aller trop vite sinon votre cerveau disjonctera.
- Mais enfin qu'est-ce que vous avez tous à me dire que j'ai loupé le principal dans ce carnet ? Van Helsing m'a sorti la même chose il n'y a pas une heure, vous vous êtes donnés le mot ou quoi ?!
- De connivence avec ce fieffé menteur ? Il faudrait me payer cher même si sur le fond, il n'a pas tort. Mais un conseil ma beauté, ne prenez pas au pied de la lettre tout ce qu'il a pu vous dire, il aime beaucoup embobiner les gens de façon à ce qu'ils ne fassent plus confiance à personne.
Je hochai la tête.
- Je vois ça oui. Il m'a dit que l'un de vous deux est un traître.
Sam ne cilla pas.
- Et vous l'avez cru ?
- Disons que sa théorie se tient.
- Je préfèrerais que vous vous fassiez plutôt votre propre idée à la lumière des éléments dont vous disposez.
- J'y compte bien.
- Croyez-vous que je sois le traître ? chuchota-t-il à mon oreille.
Il me posait une sacrée colle, j'étais incapable de lui donner une réponse.
- Je l'ignore mais je le saurai bientôt, je l'espère.
- Alors tenez-moi au courant.
Sam déposa un tendre baiser sur ma tempe et disparut de la salle de bain.


A suivre ...

samedi 22 mars 2014

Le mystère s'épaissit ...

Il était quasiment une heure du matin lorsque je terminai de lire le journal de Nora Elizabeth.
J'en avais bien sûr appris un peu plus sur Sam et Vince, mais je ne connaissais toujours pas l'essentiel. A savoir qui avait partagé le lit de mon ancêtre avant sa mort.
Saleté de page arrachée ! Ce fumier de Van Helsing voulait me faire mariner et en plus il y parvenait très bien.
En dehors de cela, j'avais tout de même l'impression qu'un détail capital m'avait échappé. Il faudrait que je relise ce carnet à tête reposée. Trop d'évènements s'étaient produits dans la même journée pour que mon cerveau puisse tout ingurgiter d'un seul coup. J'avais sérieusement besoin d'une bonne nuit de repos même si tout un tas d'idées se bousculaient dans mon crâne.
Pelotonnée sous ma couette, je tentais d'imaginer Vince en jardinier du 17e siècle, mais j'avais un peu de mal à visualiser l'accoutrement qu'il pouvait avoir sur le dos.
Et dire qu'à elle aussi, il lui avait fait le coup de la pluie d'étoiles ! J'étais quand même un peu vexée, soit il manquait cruellement d'originalité, soit il pensait que c'était un piège à filles qui fonctionnait à coup sûr. Si j'avais été méchante, j'aurais même pu aller jusqu'à dire qu'il ne savait pas faire grand chose d'autre comme tours de passe-passe, mais je ne préférais pas trop m'avancer sur ce terrain. J'étais certaine que Vince avait plus d'un tour dans son sac ... encore faudrait-il qu'il le vide avec moi afin que je puisse vérifier mes théories !
Quant à Sam ... Et bien celui-là je n'aurais jamais pensé qu'il avait fichu une raclée à Van Helsing et qu'il avait pu mettre Nora Elizabeth dans un tel état qu'elle ne savait plus où elle campait. Qu'avait-il bien pu fabriquer pendant toutes ces semaines d'absence ? En plus elle ne dit même pas ce qu'il faisait comme boulot. Peut-être l'ignorait-elle ? En même temps s'il lui avait dit :  "Salut je bosse pour le diable, tu viens aux fraises avec moi ?" Soit elle l'aurait pris pour un dingue (ce que j'ai fait personnellement !), soit elle aurait fuit très très très loin. Pour l'époque, il était relativement sage, il a bien changé depuis, mais à mon avis, il avait déjà sa tignasse d'indien même si mon aïeule ne l'a pas précisé dans son journal.
Quand je parvins enfin à m'endormir, je refis le cauchemar du bûcher, chose dont je me serais volontiers passée. Les mêmes détails défilèrent à nouveau devant mes yeux et je me suis sentie aussi impuissante que dans le premier rêve. Le regard bleu glacial et triomphant de Van Helsing me donnait des envies de meurtre par songe interposé.
Je me réveillai en sursaut vers 5h00 du matin, épuisée d'avoir lutté en vain contre les flammes. Win dormait paisiblement au bout du lit, roulé en boule pour avoir bien chaud.
J'aurais bien voulu me rendormir mais impossible de fermer l'oeil à nouveau.
Du coup à 6h30, j'ai chaussé mes baskets et je suis partie courir un long moment. Mes foulées me menèrent comme par hasard jusqu'aux grilles du cimetière mais tout était fermé et je n'avais pas le cran de faire le mur. Pour aller vérifier quoi d'ailleurs ? Que la tombe de Nora était bien vide ?! Évidemment qu'elle l'était puisqu'elle avait brûlé vive.
Je secouai le menton de gauche à droite pour chasser mes idées à la con et je pris la direction du parc de la ville. Quelques hectares de verdure, un plan d'eau, des canards, bref un cadre apaisant pour réfléchir calmement. Nous étions dimanche et peu de monde était debout en train de dépenser son énergie à 7h30, le parc était quasiment désert.
Je fis un premier tour de lac avant de m'arrêter sur un banc pour faire des étirements et me reposer quelques instants. Je n'avais pas posé mon popotin depuis 5 minutes qu'une voix me fit sursauter.
- Miss Chester ! Alors on prend le frais ?!
Je me retournai et me trouvai nez à nez avec Van Helsing. Je ne perdis pas mon self-control même si j'avais une envie irrésistible de le réduire en menus morceaux.
- Tiens donc le renard argenté, comment va ?
Il haussa un sourcil.
- On ne m'a jamais appelé comme cela avant.
- Et bien il y a un début à tout ! Je préfèreriez le terme de meurtrier ou d'affreux jojo ?!
- Je vois que vous avez un sens de l'humour tout à fait piquant.
- Et encore ce n'est qu'un échantillon, ajoutai-je en le toisant.
Van Helsing prit la liberté de s'asseoir sur le banc même si je ne l'y avais pas invité.
Il me fixa quelques instants, en échange je lui lançai mon plus beau regard noir.
- A priori vous avez lu le carnet de Nora Elizabeth pour m'accueillir aussi aimablement.
- En effet, dis je en serrant les mâchoires.
- Qu'en avez-vous pensé ?
Mmm il voulait me faire dire quelque chose mais j'ignorais quoi, il valait mieux tâter le terrain d'abord ...
- Ce fut très instructif, je vous remercie de me l'avoir fait parvenir.
- Mais encore ?
- Dites donc, la psy c'est moi, pas vous ! Pourquoi vouloir connaître le fond de ma pensée ?! Vous pouvez deviner sans peine que j'ai envie de vous étriper !
Van Helsing laissa échapper un gloussement.
- Qu'y a-t-il de drôle ? m'énervai-je.
- Je vois que vous avez simplement fait une lecture superficielle. Vous devriez relire ce carnet, l'essentiel vous a échappé.
- Ah bon ?! Et qu'est-ce que j'ai loupé Einstein ?! dis-je avec mon air mauvais.
- Vous me tenez pour principal responsable de la mort de Nora Elizabeth, ce qui de fait est vrai. Mais avez vous réfléchi une minute que quelqu'un avait pu la dénoncer délibérément afin que je la fasse disparaître ? Vous est-il venu à l'idée que j'avais pu agir sur ordre également ?
- Qu'est-ce que vous me chantez là ?! Qui aurait bien pu vouloir la faire brûler sur un bûcher ?
Mon cerveau tournait à plein régime mais là je séchais complètement.
Van Helsing venait de capter toute mon attention.
- Vous n'avez même pas une petite idée sur la question ? dit-il en penchant la tête de côté.
- La vieille Mary ? Le duc ? Je ne sais pas moi !
- Miss Chester, vous êtes à des kilomètres de la bonne réponse.
Alors là j'étais larguée, à croire que je n'avais pas la lumière à tous les étages.
- Bon j'avoue, je sèche !
Gabriel Van Helsing afficha un petit sourire satisfait.
- Vous savez Nora, la jalousie masculine peut pousser à commettre des choses horribles ...
- Vous étiez donc tant jaloux que ça de ne pas avoir pu violer mon ancêtre et qu'un autre couche avec elle ?!
- Bon je vois que vos neurones commencent à se mettre en marche, vous allez bientôt comprendre.
- J'ai donc vu juste ?
- A un détail près Miss Chester.
Je fronçai les sourcils, je commençais de nouveau à perdre le fil.
- Lequel ? insistai-je.
- L'homme le plus jaloux dans cette histoire, ce n'était pas moi même si je suis resté sur ma faim. Je n'ai été que l'instrument de la vengeance.
Tout à coup une ampoule s'illumina au dessus de ma tête.
- Vous n'êtes quand même pas en train d'insinuer que Sam ou Vince est venu vous trouver pour faire le sale boulot ?!
- Je n'insinue rien, je l'affirme. J'ai beaucoup de défauts Miss Chester mais je ne mens jamais. L'un de ces deux là m'a fourni les informations dont j'avais besoin mais la décision de la sentence est venue de beaucoup plus haut. Nora Elizabeth n'a été que l'innocente victime de l'affaire. Tout est beaucoup plus complexe que vous ne l'imaginez.
- Et vous ne voulez pas m'en dire plus ?! Tout m'avouer serait beaucoup plus rapide.
Van Helsing haussa les épaules et sourit.
- Certes mais votre quête serait beaucoup moins intéressante.
- Ma quête ? m'étonnai-je.
- Miss Chester, remonter aux sources nécessite de la ténacité et de l'intelligence. Vous ne manquez ni de l'un, ni de l'autre. Et puis vous n'avez pas encore mis le doigt sur l'élément clé de ce carnet, je ne vais pas vous mâcher le travail. Trouvez ce détail, identifiez le traître et vous aurez fait un grand pas en avant.
Bon dimanche Miss Chester, dit-il sournoisement.
Van Helsing se leva et repartit en sifflotant. Quel sale mec ! Il me laissait avec des questions plein la tête et en plus, je ne pouvais plus me fier ni à Vince, ni à Sam.
Avait-il distillé exprès son venin pour diviser et ainsi parvenir à ses fins ? Ou bien disait-il vrai ? Dans ce cas, la réalité était encore plus sordide que tout le reste.
La pluie s'était remise à tomber. Je décidai de rentrer à la maison au pas de course et de me replonger dans ce fichu carnet pour trouver ce que j'avais loupé.


A suivre ...

jeudi 20 mars 2014

Journal de Nora Elizabeth

Si Vince pensait qu'il risquait de se prendre un projectile dans la tête autant dire que j'allais sûrement avoir du croustillant à me mettre sous la dent !
Je me dépêchai de m'habiller et de me sécher les cheveux pour enfin me plonger dans le journal de Nora Elizabeth.
Je m'étais confortablement calée dans le canapé, Winston était vautré à côté de moi, il ronronnait tranquillement. J'ouvris avec précaution le précieux carnet. L'écriture me semblait étrangement familière mais j'ignorais à qui la rattacher. Tout débutait au printemps 1679, donc pas moyen de savoir ce qui c'était passé dans l'enfance ou l'adolescence de mon ancêtre. Tant pis, il faudrait faire avec les zones d'ombre.
" Cher journal, (très original comme début !)
Ma vie me semble tellement triste et insipide. Je n'ai ni mari, ni enfant, et si peu d'amis, je me sens horriblement seule. J'aurai bientôt 29 ans et je n'intéresse personne. Je ne suis qu'une vieille fille dont personne ne voudra jamais. Mes pauvres parents avaient raison, j'aurais mieux fait de rentrer au couvent pour assurer mon avenir et être certaine d'avoir un toit sur la tête. Je viens d'être engagée comme servante au château, la vie n'est pas merveilleuse mais au moins je bénéficie du gîte et du couvert. J'espère ne pas souvent devoir croiser monsieur le Duc, il me fait peur. Il a un regard si froid qu'il me pétrifie sur place. Heureusement comme je travaille la plupart du temps aux cuisines, il est peu probable que je tombe sur lui régulièrement. Mon seul moment de distraction c'est d'aller au marché une fois par semaine et je suis également chargée d'aider à l'entretien du potager. J'aime bien ça m'occuper de faire pousser des légumes. J'étais bien tranquille jusqu'à ce que monsieur le Duc embauche un nouveau jardinier. Il me houspille quand j'ai tendance à piétiner ses belles plates-bandes. Pfff qu'est-ce qu'il m'agace celui-là ! Il s'appelle Vince. S'il n'était pas aussi beau, il y a longtemps que je l'aurais envoyé balader avec ses réflexions désagréables. L'autre jour, il m'a dit "pousses-toi de là gros pachyderme, tu écrabouilles mes plans de petits pois". J'ai eu envie de le réduire en bouillie par la seule force de ma pensée mais je n'ai réussi à rien, au lieu de ça comme par hasard, un seau d'eau s'est renversé sur mes pieds. A croire qu'il avait lu dans mon esprit ce sale type et qu'il s'était vengé bassement. Il a de magnifiques yeux verts mais parfois il me donne des frissons dans le dos, je ne sais pas ce dont il est capable. J'ignore même d'où il débarque. "


Été 1679
" Aujourd'hui je suis allée à la rivière pour me rafraîchir. La chaleur est étouffante.
J'ai vu Vince qui se baignait. Je me suis cachée derrière un buisson en espérant qu'il ne m'avait pas remarquée. Il était tout nu, tout cela m'a beaucoup troublée (un vrai régal de musculature à regarder je confirme !). Je n'ai pas pu m'empêcher de l'observer pendant un bon moment. Puis il est sorti de l'eau, il a marché jusqu'au buisson où je me dissimulais. Il s'est penché par dessus les feuillages et il m'a dit " Je te laisse la place !" J'étais morte de honte, le rouge m'est monté jusqu'aux oreilles quand il a ajouté " la prochaine fois, viens me rejoindre au lieu de te cacher ..." Puis il est parti sans se retourner. Je me suis sortie de mon terrier et au loin j'ai aperçu une belle paire de fesses toutes blanches et rebondies. Ma parole, il se baladait à poil dans la forêt ! "


"Vince se montre un peu plus gentil avec moi depuis l'épisode de la rivière. Il m'apprend comment reconnaître et faire pousser des plantes médicinales. Parfois il esquisse un sourire mais c'est tellement furtif que je crois souvent avoir rêvé."

" Aujourd'hui, il y avait un banquet au château, des tas de nobles sont venus pour manger et boire comme des trous. Trois hommes sont descendus jusqu'aux cuisines, j'étais toute seule avec la vieille Mary. Ils empestaient le vin. L'un d'eux a commencé à frapper la pauvre femme, les deux autres se sont dangereusement approché de moi. J'ai pris mes jambes à mon cou et j'ai couru aussi vite que je pouvais vers les écuries. Je pensais attraper une fourche et me défendre. L'un des hommes s'appelait Gabriel, j'ai entendu son compagnon le nommer ainsi. J'ai remarqué qu'il avait les cheveux tous gris pourtant il avait l'air jeune. Mes jupes me gênaient pour escalader les meules de foin. Prise de vitesse, Gabriel est arrivé derrière moi et m'a fait dégringoler de mon perchoir. Il avait commencé à déchirer mon corsage quand un grand gars brun et costaud est venu le soulever aussi légèrement qu'une plume. Il l'a fait valser à l'autre bout de l'écurie. Le Gabriel a pris une  de ces raclées, pour un peu j'aurais applaudi. Il n'a pas demandé son reste, et s'est sauvé vers le château avec ses compagnons. Mon sauveur s'appelle Sam. Il m'impressionne beaucoup tellement il est grand, et quel regard ! De vraies braises à la place des yeux.
Il m'a raccompagnée jusqu'aux cuisines pour vérifier que nos agresseurs étaient bien partis. Il a installé Mary sur un banc afin que je puisse la soigner, elle saignait de la bouche la pauvre. Avant de partir Sam a dit que nous serions appelés à nous revoir. Il m'a fait un sourire et puis il a disparu aussi vite qu'il était venu. Je ne crois pas qu'il travaille au château, je ne l'ai jamais vu avant."


" Depuis qu'il a appris ce qui s'était passé avec l'inconnu aux cheveux gris, Vince ne me lâche plus d'une semelle. Étrange mais ça me plait bien quand même !"


"Depuis le jour du banquet, Sam est venu me rendre visite plusieurs fois. Il est très gentil et prévenant par contre Vince voit ça d'un sale oeil. Dès que les deux ont le malheur de se croiser, on a l'impression qu'ils vont se sauter dessus et se rouler dans la boue des cochons.
Je crois qu'ils sont très jaloux l'un de l'autre, pourtant je n'en favorise pas un plus que l'autre. J'essaye d'être équitable dans le temps que je passe avec chacun. Ils sont si différents mais possèdent chacun quelque chose d'attirant. Je ne voudrais pas me tromper si je devais en choisir un. Quoique la question ne s'est pas encore posée, mais leurs regards en disent long !"


Automne 1679
" Je suis tombée gravement malade, la fièvre a failli m'emporter. Heureusement, Vince s'est bien occupé de moi, il m'a fait boire des tisanes avec les plantes qu'il a cultivées dans le jardin. Il m'a veillée jour et nuit quand j'étais au plus mal d'après ce que m'a raconté la vieille Mary.
Il parait aussi que Sam est venu souvent à mon chevet, il a beaucoup prié.
Je me souviens d'une main fraîche qui caressait souvent mes cheveux mais je ne me rappelle pas à qui elle appartenait.
Aujourd'hui je vais mieux. D'ici un jour ou deux je pourrai reprendre mon travail aux cuisines."


Hiver 1679/1680
"Noël et la nouvelle année sont arrivés bien vite. Une neige épaisse recouvre le sol depuis plusieurs semaines déjà. Vince passe beaucoup de temps aux cuisines avec moi et la vieille Mary quand il n'est pas dehors en train de couper du bois. Il m'a dit que s'il avait réussi à me guérir c'est parce-qu'il possède certains dons hérités de sa famille. Il ne m'a pas dit exactement lesquels mais je suppose qu'il doit être un peu rebouteux sur les bords.
Il a aussi fait un miracle. Je ne devrais pas en parler ici mais il a réussi à faire fleurir un rosier devant moi alors qu'il gèle dehors et que nous sommes en Janvier. C'était absolument merveilleux mais il m'a fait promettre de ne rien dire à personne. Il a aussi pris ma main pour y déposer un baiser. Je n'ai pas su quoi dire, je ne suis pas habituée à ce genre de choses."


" Sam m'avait promis de revenir vite me voir mais je n'ai aucune nouvelle depuis ma guérison. C'est peut-être un peu idiot de ma part de dire ça, mais il me manque. Il a une telle présence ... avec lui, je me sens en sécurité et puis il sent si bon. Il n'est pas du tout comme Vince. Je ne devrais peut-être pas espérer qu'il revienne, je perds sans doute mon temps. Vince est un garçon serviable, il m'a soigné et il sait même faire des tours de magie pour me faire rire. Il est complètement différent de ce que j'avais imaginé au départ. Ses grands yeux verts voudraient dire tant de choses qu'il n'ose pas prononcer, je le vois bien quand il me lance ses regards en coin lorsque je cuisine.
Si Sam ne revient pas, je pense que j'irai me baigner avec Vince quand le printemps sera revenu. Rien que d'y penser, j'en rougis d'avance ..."


Février 1680.
" Vince et moi sommes sortis cette nuit, il voulait me montrer quelque chose dehors pendant que tout le monde dormait au château. Nous sommes allés jusque dans une clairière, on n'y voyait quasiment rien pour se diriger et surtout ne pas se cogner dans les arbres. A un moment il s'est arrêté, il m'a dit "ouvre bien grand tes yeux Nora !"
Il a fait pleuvoir des étoiles au-dessus de nos têtes, puis il m'a embrassée. J'étais bien dans ses bras."


Mars 1680.

" Sam est revenu. Mon coeur a bondi dans ma poitrine quand je l'ai aperçu. Il a couru vers moi et m'a soulevée comme une plume pour me faire virevolter dans ses bras. Il était content de me voir en bonne santé. Il n'a pas donné d'explication sur sa longue absence mais il sentait toujours aussi bon. Quand Vince nous a vus, il est parti bouder dans le potager. Cela m'a fait de la peine pour lui, car c'est un homme bon, il mériterait quelqu'un de moins indécis que moi.
Sam m'a dit que je lui avais terriblement manqué et qu'il n'avait pas cessé de penser à moi pendant toutes ces longues semaines. J'ai rougi mais je n'ai rien ajouté."


" J'en ai parlé avec la vieille Mary, elle me conseille de faire un choix rapide entre ces deux hommes avant qu'ils n'en viennent aux mains."


" J'ai croisé Gabriel au marché, il était avec plusieurs cavaliers tous vêtus de noir. Ils m'ont fichu une frousse monstrueuse. Il m'a reconnue, j'en suis certaine. J'ai si peur ..."

" Ce soir j'ai décidé de me donner à l'un des deux, je sais que je fais le bon choix en acceptant la demande de ..."

Quoi mais la page est arrachée ?! Rhooo mais c'est pas possible ! Si je tenais GVH, je lui ferais avaler son bulletin de naissance !

20 Mars 1680.
" J'ai passé une nuit merveilleuse dont je me souviendrai toujours."


24 Mars 1680
"Gabriel est venu me faire arrêter jusque dans les cuisines. Il m'accuse de pactiser avec le diable. Ni Sam, ni Vince n'ont pu empêcher ça. Je ne leur en veux pas, autant qu'ils sauvent leur peau s'ils le peuvent encore. En ce qui me concerne, je suis condamnée à mort demain matin ... Dieu me protège ..."

Le carnet s'achevait sur ces derniers mots, j'en étais bouleversée. Nora Elizabeth avait péri par simple vengeance. Quelle misère ...

A suivre ...

vendredi 14 mars 2014

Un indice tombé du ciel

Winston vint à ma rencontre. J'étais toujours assise parterre dans le couloir. Il miaula d'un air de dire "Eh ma vieille lève tes fesses de là, va me faire ma gamelle ! J'ai faim !"Je m'exécutai donc pour aller lui servir ses croquettes.
Je repensais à Sam, non mais quel toupet celui-là. Comme s'il était irrésistible en plus !
J'admets qu'il avait l'air super bien fichu sous ses fringues mais, delà à lui sauter dans les bras sans réfléchir, il y avait une marge ... bon, étroite la marge...mais quand même !
Sur ce, je décidai d'aller prendre une bonne douche pour me rafraîchir les idées.
Il fallait que je fasse du tri dans les dernières infos que les deux loustics venaient de me livrer sans le vouloir. Donc si j'avais bien tout compris, Sam et Vince étaient déjà aux côtés de Nora Elizabeth en 1680. Ce qui impliquait que Vince avait sans doute fricoté avec mon ancêtre (ah non berk berk, il s'était déjà tapé mon aïeule et il osait me courir après !) pour qu'on l'accuse de pratiquer la sorcellerie. La question étant : la pratiquait-elle elle aussi ? Et quel était le rôle de Sam dans tout ça ? Qu'avait-il donc bien pu louper à cette époque pour que Vince lui en veuille autant ? Rhooo tout cela n'avait pas de sens, il restait beaucoup trop de zones d'ombres. Mais mon rêve avait été clair sur un point, ils étaient bien là tous les deux au 17e siècle à regarder la pauvre fille en train de rôtir dans les flammes.
L'eau chaude réchauffait mes muscles endoloris par toute cette journée mouvementée lorsque je perçus le bruit de la sonnette de la porte d'entrée. Qui pouvait venir me casser les pieds maintenant ? Je fis semblant de ne pas avoir entendu mais visiblement mon visiteur n'avait pas l'intention de décamper. Je sortis donc toute dégoulinante de la douche et vins ouvrir enroulée dans une serviette de toilette. Mes cheveux gouttaient dans mon dos et j'avais horreur de ça. Le motif de cette insistance avaient intérêt à être sérieux, j'étais d'une humeur de bouledogue.
Je déverrouillai la porte sans ménagement et ouvris à toute volée. Ainsi je me retrouvai nez à nez avec Suzie. Elle vit tout de suite que j'avais une folle envie de lui sauter dans les bras, je cachai ma joie de la trouver là sur mon palier.
- Oh je tombe mal, dit-elle.
- Comme tu t'en doutes oui, répondis-je avec mon air aimable.
- Pas grave, je n'en aurai pas pour longtemps. Tu me laisses entrer ?
Pas la peine qu'elle demande, elle m'avait déjà bousculé pour se frayer un passage dans le couloir. J'avais envie de lui balancer des tartes tellement elle m'agaçait alors qu'elle n'avait prononcé que deux phrases.
Madame alla s'installer directement sur mon canapé. Winston lui cracha après parce-qu'elle l'avait houspillé afin d'installer son séant au galbe parfait à sa place. Il partit calmer ses nerfs dans la chambre. Quelle peste !
- Alors que me vaut l'honneur de ta visite ?
- Ta gastro va mieux ? s'enquit-elle.
Ah oui je l'avais oublié la grippe intestinale. Aller, Nora improvise ma vieille, te laisse pas faire, écrabouille-la.
- Encore quelques crampes d'estomac mais oui ça va mieux.
- On ne dirait pas, tu as un teint abominable ma chère, aussi verte qu'une olive !
Tu vas voir mon pied au derrière s'il est aussi vert qu'une olive quand je t'aurais éjectée de MON canapé !
- J'ai toujours adoré ton sens de la diplomatie Suzie. Bon trêve de plaisanterie, qu'est-ce qui t'amène ici ?
J'attendais impatiemment qu'elle dégage. J'étais restée debout les bras croisés pour ne pas lui donner envie de s'incruster, si elle n'avait pas compris, elle était vraiment blonde ou elle le faisait exprès !
- Je viens prendre de tes nouvelles voyons !
- Oh ! A d'autres Suzie, tu es morte de jalousie depuis le début de la semaine, j'ai très bien compris que tu m'avais rayé de suite de la liste de tes amis. Alors je répète que veux-tu en dehors de venir me soutirer des potins ?
- Mais que vas-tu chercher ? Bien sûr que nous sommes toujours copines voyons, dit-elle mielleuse.
Je soulevai un sourcil d'un air dubitatif.
- La vérité Suzie ! grognai-je.
Elle me toisa, puis battit des cils avant de me balancer encore une gentillesse.
- Visiblement, tu es d'une humeur de chien, je savais bien que Vince te larguerait au bout d'une nuit. Tu sais ce que j'ai lu dans Cosmo ? Que le célibat prolongé est un facteur de démence sénile. Nora je crois que tu es cuite, tu devrais penser à te réserver une place en gériatrie. Je vais m'occuper du beau docteur Clark à ta place !
- Si c'est pour être désagréable, mon répondeur est à ta disposition, ce n'était pas la peine de te déplacer, répondis-je pincée.
- Bien sûr que si, je voulais voir ta mine déconfite et j'avoue que je suis satisfaite. Et puis je voulais t'apporter ça.
Elle sortit de son sac à main un petit paquet rectangulaire de la taille d'un livre de poche emballé dans du papier kraft et me le tendit.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Aucune idée, dit-elle en se passant la main dans les cheveux. Un quarantenaire ultra sexy a déposé ça pour toi à l'accueil de l'hôpital, et comme j'étais là pour réceptionner le paquet, je me suis dit que j'allais passer te l'apporter directement.
Tu ne l'ouvres pas ?
- Euh ... si, marmonnai-je surprise par ce mystérieux paquet.
Je défis l'emballage avec précaution et tombai sur un carnet relié de cuir marron. A l'intérieur, du papier très vieux, une écriture fine, féminine.
Un mot accompagnait le tout.
"Autant aller chercher les informations à la source. Bonne lecture Miss Chester.
GVH."

Ah non encore celui-là ! Il n'allait donc pas me lâcher le Van Helsing. Je sentais que ce carnet allait m'apporter plus de problèmes qu'autre chose, mais ma curiosité me poussait à vouloir mettre Suzie à la porte pour me précipiter dans ma lecture.
- Alors que t'a-t-il fait parvenir ? Tu le connais au fait ce mec aux cheveux gris ?
- Rien qui ne te concerne. C'est un de mes patients.
Elle parut déçue. Suzie allait ajouter autre chose mais je l'interrompis sans ménagement.
- Bon et bien merci d'être passée pour m'apporter ce paquet, je ne te retiens pas.
- Tu me mets déjà à la porte alors que je viens à peine d'arriver. Tu pourrais au moins m'offrir quelque chose à boire ! s'exclama-t-elle.
- C'est à dire que là j'étais occupée comme tu peux le voir ...
- Oui nous étions très occupés ! dit une voix masculine.
En un quart de seconde je me retournai et vis Vince s'avancer tout mouillé comme s'il venait de prendre une douche lui aussi. Juste une serviette autour des reins, il m'adressa un clin d'oeil.
- Salut Suzie ! lança-t-il gentiment.
Il s'approcha de moi, mit son bras autour de mes épaules et déposa un baiser sur ma tempe.
- Salut, répondit vaguement Suzie.
Elle avait la mâchoire presque décrochée tant elle semblait stupéfaite de le voir ici et dans cette tenue qui ne laissait aucun doute sur ce que vous venions de faire dans la salle de bain. J'étais tout aussi ahurie qu'elle mais je tentais de me donner une contenance.
Mais qu'est-ce qu'il venait foutre là lui ?! Je l'avais pourtant viré en même temps que Sam tout à l'heure. Habillé en plus mais là ... il n'avait plus grand chose sur le dos.
Je me mordis les lèvres.
Oh punaise ce bras autour de mes épaules et sa dégaine me rendaient complètement déboussolée ! Bon sang Nora reprends-toi !Suzie se leva du canapé comme un automate, je voyais bien sur son visage qu'elle avait l'air dépitée mais je m'en fichais royalement. Au moins, cela avait le mérite de la faire partir de chez moi en deux temps, trois mouvements !
Elle me toisa, puis jeta un regard plein d'envie à Vince enroulé dans sa serviette jaune.
- Bon et bien je vous laisse, dit-elle sèchement.
Elle ramassa son manteau, son sac et ficha le camp en claquant la porte d'entrée. On aurait dit une véritable walkyrie.
Vince éclata de rire. Pour ma part, j'étais tellement sonnée que je n'avais pas le réflexe de me marrer comme lui.
- Mais qu'est-ce que vous fichez là en ... en ... à moitié à poil dans mon salon ?!
- Il fallait bien vous dépêtrer de Suzie. J'étais revenu pour discuter un peu avec vous, je savais que Sam ne resterait pas bien longtemps. Quand je me suis matérialisé dans la cuisine, j'ai entendu que l'autre pot de colle était là alors j'ai voulu vous tirer d'affaire.
Vous êtes fâché de ma petite blague ? dit-il soudain inquiet.
- Disons que je ne m'y attendais pas du tout mais à y réfléchir, c'est bien fait pour la gueule de Suzie. Quand j'y repense, me dire que je suis bonne pour la démence sénile à cause de mon célibat, faut être gonflée !
- Elle n'a pas tort, ça a été prouvé scientifiquement, j'ai déjà lu un article sur ce sujet dans une très sérieuse revue de neurologie.
Je lui jetai un regard noir.
- Ne le prenez pas mal Nora. Bon j'admets qu'elle aurait pu se passer du service de gériatrie, ce n'était pas très fin de sa part. Et puis honnêtement, vous êtes beaucoup trop belle pour rester célibataire encore longtemps !
- Serait-ce un appel du pied ? Vous posez votre candidature ?! ironisai-je.
Vince fit semblant de réfléchir quelques secondes puis afficha un sourire en coin.
- Évidemment ! Quelle question !
Je me sentis rougir de la tête aux pieds et difficile de la cacher dans une tenue aussi minimaliste que la mienne. Cela dit, je décidai de le mettre un peu sur le grill.
- Et bien, il faudra prendre un ticket et attendre votre tour parce-que Sam est déjà sur les rangs !
Je m'attendais à ce qu'il pique une crise mais non même pas. Quelle suffisance dans son expression en plus !
- Pfff l'autre déplumé là ?! Il ne m'arrive même pas à la cheville, je suis sûr de le battre sur ce terrain.
- Je vous trouve bien présomptueux Vince, dis-je en appuyant mon index sur son torse.
- Vous n'allez quand même pas me faire croire que ce déchu pourrait vous plaire ?
Oula ça sentait le défi à plein nez ...
- Et pourquoi pas ?! Vous croyez être le seul immortel séduisant dans mon périmètre ?!
La tension était montée d'un cran.
- Merci pour le compliment. Si je comprends bien vous n'êtes pas décidée à me faciliter la tâche.
- Ne rêvez pas, ce n'est pas parce-que mon aïeule a fini directement dans votre lit que je ferai pareil qu'elle.
Et toc prends toi ça dans les gencives Merlin !
- Nora, vous savez, si je n'étais pas bien élevé, je vous aurais renvoyé une réplique bien cinglante mais je m'abstiendrai parce-que vous ne savez rien de ce qui s'est passé avec Elle.
Je le fixai avant de lui décocher la réplique de la mort qui tue.
- Ne craignez rien, je vais combler mes lacunes dès ce soir.
Vince marqua un temps d'arrêt.
- Vous comptez m'inviter à dîner et me faire parler sous la torture ?
- Oh non simplement lire de A à Z le journal de Nora Elizabeth que Suzie m'a remis tout à l'heure.
Ah ! Celle-là il ne l'avait pas vue venir !
-
Alors il vaut mieux que je me sauve afin d'éviter de me prendre une assiette dans la figure. Bonne lecture Nora, dit-il en pinçant les lèvres.
Le sorcier claqua des doigts et s'éclipsa comme le docteur Bombay dans ma sorcière bien-aimée. Manquait plus que le nuage de fumée !
Winston débarqua et vint se frotter contre ma cheville.
Je baissai le regard vers ma boule de poils grise qui s'étalait maintenant de tout son long sur le tapis. Je ne pus m'empêcher de penser à haute voix.
- Win tu te rends compte que j'ai peut-être loupé la partie de galipettes du siècle avec le blondinet ?!
Pour toute réponse Win me balança un bon coup de griffes sur le pied.
- Ok j'ai compris, j'ai encore manqué une occasion de me taire, grognai-je.



A suivre ...


lundi 10 mars 2014

Sam VS Vince (round 1)

J'étais solidement ficelée à un poteau, les mains dans le dos. Impossible de bouger. La foule criait : "Brûlez là ! A bas la sorcière ! Vermine !".
Le bourreau approcha une torche des fagots de bois amoncelés tout autour de moi. Je criais pour que quelqu'un vienne me délivrer. Les flammes commençaient à venir me lécher les pieds. La fumée envahissait peu à peu mes poumons, mes yeux piquaient. Les larmes ruisselaient sur mon visage. Au loin dans la foule, j'aperçus un ange brun aux ailes noires qui serraient les poings de colère et à ses côtés un homme blond, le visage détruit par le chagrin. Sam et Vince. Je les reconnus sans peine.
A quelques mètres du bûcher, se tenait Van Helsing, il affichait un sourire satisfait. C'était son heure de gloire, le chasseur de créatures obscures avait triomphé. La sorcière présumée rendait l'âme.
Mes dernières paroles furent "Nos destins sont liés, nous nous retrouverons tôt ou tard".
Mais à qui est-ce que je m'adressais ? Impossible de le savoir.
Les flammes montaient de plus en plus et finirent par m'engloutir complètement...

Aaaaaaahhhhhhhhhhhhhhh ! hurlai-je en me réveillant tremblante de la tête au pied.
La sueur dégoulinait sur mes tempes. J'avais encore la désagréable impression de sentir le feu de bois. Tout semblait si réel et pourtant j'étais dans mon appartement, assise sur mon lit. Je tentais de reprendre mon souffle comme si j'avais manqué d'air.
Winston sauta sur le lit pour venir quémander une caresse. Le pauvre devait se demander pourquoi j'avais poussé un cri de sauvage.
Tout à coup, j'entendis des éclats de voix en provenance de la cuisine. De deux choses l'une, soit je perdais complètement la boule, soit je n'étais pas seule dans l'appartement. Il fallait avant tout que je remette mon cerveau à l'endroit pour me souvenir pourquoi j'étais au lit en plein milieu de la journée. J'avais un mal de crâne carabiné.
Soudain me revint en mémoire l'épisode du restaurant où j'avais fini avec un vertige monumental. Le reste était très flou. Je tentai de me lever encore groggy par mon malaise et par le cauchemar que je venais de faire. Je m'aperçus en sortant des couvertures que je portais seulement un débardeur et un shorty.
Sam m'avait donc déshabillée avant de me mettre au lit ?? Rhooo celui-là, il ne loupait pas une occasion ! Il allait entendre parler du pays !
Je ne pris pas le temps d'étendre ma réflexion sur ce sujet car visiblement la dispute montait en intensité.
Inutile d'approcher à pas de loup, les deux voix étaient si fortes que personne n'avait dû m'entendre crier dans mon lit. A priori Sam et Vince étaient sans mauvais jeu de mots, sur le point de se voler dans les plumes !
- Mais enfin qu'est-ce qui t'as pris de lui dire que tu étais sur les lieux en 1680 ?! Je t'avais pourtant averti d'y aller doucement avec elle, la mémoire est une zone tellement fragile. Tu veux tout foutre en l'air à ton profit comme d'habitude ! éructa Vince.
- Dis donc espèce de sorcier à deux balles, je lui sers déjà de nounou pendant que tu fais je ne sais trop quoi avec ton chaudron magique ! Elle a posé des tas de questions à propos de Van Helsing et du bûcher. J'étais censé faire quoi ?! Mentir encore comme un arracheur de dents ?! Excuse-moi mais j'en ai marre d'avoir le mauvais rôle ! grogna Sam.
- Le mauvais rôle tu l'as endossé tout seul par tes manquements mon vieux, tu as failli à tes obligations. Tu veux que je te rafraîchisse la mémoire ??
- Ah oui ! Et si tu n'avais pas tourné autour d'Elle avec tes sortilèges à la noix en pleine période de l'Inquisition, elle ne serait pas partie en cendres ! Je t'avais pourtant mis en garde. Et puis arrête de me traiter de vieux, tu deviens insultant espèce de petit con de sorcier !
Oula mais c'est qu'ils allaient en venir aux mains, éclairs, étripage en règle dans MA cuisine ! C'était hors de question, je venais de refaire les peintures et les éclaboussures de sang sur les murs je n'en voulais pas !
Ni une, ni deux, j'ouvris en grand la porte de la cuisine, et j'eus juste le temps de me baisser pour éviter une boule de feu que Vince venait de lancer sur Sam. Pour le coup, la pluie d'étoiles s'était mue en pluie de météorites. Heureusement, ils n'avaient pas encore fichu le feu à la baraque ! Je n'osais imaginer quelles explications je devrais fournir à la compagnie d'assurance et au syndic des copropriétaires si ces deux là en venaient à faire partir l'immeuble en fumée.
- Mais ça va pas non ! Bande de dégénérés ! C'est pas fini vos conneries ! vociférai-je à mon tour.
Vince m'avait dans son champ de mire. Sam fit demi-tour et se retrouva face à moi.
Tous deux semblaient plus interloqués de me voir en petite tenue que de se faire choper en train de se battre. Bon j'avoue que ce n'était pas une tenue pour devoir séparer deux armoires à glace qui se balançaient des boules de feu dans la tronche mais, moi pauvre humaine, je faisais avec les moyens du bord !
D'un coup la tension retomba. A croire qu'ils n'avaient jamais vu une femme en sous-vêtements !
Vince se confondit en excuses.
- Vous allez bien Nora ?! s'enquit-il.
- Mmmh ... fis-je les lèvres pincées.
- Désolé pour le projectile, il ne vous était pas destiné. Cela ne se reproduira pas, je vous le promets. Nous sommes entre gens civilisés, n'est-ce pas Sam ?!
Raclement de gorge de Vince pour ramener Sam sur la terre ferme.
- Hein ?! Euh ... oui bien sûr, soupira ce dernier.
Visiblement , Sam était plus occupé à détailler le galbe de mes jambes et la taille de ma poitrine qu'à suivre le fil de la conversation.
- Est-ce que je peux savoir pourquoi vous vous battez comme des chiffonniers ? demandai-je plus calmement.
- Divergence d'opinion, répondit Vince.
- Règlement de compte, ajouta Sam.
- Oui merci, j'avais remarqué ! dis-je sèchement. A propos de quoi ?
Je croisai les bras et m'impatientai. J'avais horreur des réponses laconiques et peu précises.
- Vous ! lâchèrent-ils en choeur.
- Oh arrêtez de me prendre pour une andouille vous voulez bien ! Je ne suis pas un objet de compétition. Ce n'est pas en vous y prenant comme ça que vous allez gagner mes faveurs et encore moins mon estime. Vous jouez à me faire peur, puis à me séduire ! Et puis quoi encore ? Vous n'êtes pas fichus de vous tenir tranquilles si vous vous trouvez dans la même pièce et bien je me passerai de vous deux. Votre Van Helsing, j'en fais mon affaire. Même pas peur ! Maintenant dégagez bande de sales morveux !
Vince, la mine déconfite, alla décrocher sa veste de la patère dans le couloir. Il me lança un regard de chien battu mais n'ajouta pas un mot. Il savait que lorsque j'étais furax même sa pluie d'étoiles, il pourrait se la coller là où je pense !
Il partit en claquant la porte sans se retourner.
Sam n'avait pas bougé d'un millimètre. Il me toisait de la tête aux pieds.
- C'est valable pour vous aussi ! grognai-je en désignant la porte.
Il afficha un sourire en coin ravageur.
- Pourtant vous ne disiez pas la même chose quand je vous ai ramenée tout à l'heure.
- Et j'ai dit quoi ?
Je n'en menais pas large, je ne me rappelais absolument de rien !
-
Que je vous rends raide dingue et que vous préfèreriez que je me coupe les cheveux.
Je manquai de m'étouffer. Nan j'avais pas pu dire ça !
- Vous mentez effrontément Sam.
- Je vous garantis que non ma beauté !
- Admettons. Même si j'ai dit ça, je n'étais pas dans mon état normal alors ça ne compte pas.
- Ah bon ?! Ce n'est pas un principe en psychologie de dire que l'individu est guidé par son inconscient, et que c'est ce qu'il y a de plus révélateur chez quelqu'un ?
Pfff mais qu'est-ce qu'il m'agaçait à toujours vouloir avoir le dernier mot ...
- Ok vous marquez un point ! Vous êtes content ?
- Ravi ! ajouta-t-il.
- Mais ça ne vous donnait pas le droit de me dévêtir, m'insurgeai-je.
- Certes ... mais je recommencerai volontiers si l'occasion se présente à nouveau.
- Ne rêvez pas, je ne tombe pas dans les pommes tous les jours !
Sam se mit à ma hauteur, il avait considérablement réduit l'espace entre nous.
- Ne craignez rien. J'attendrai que vous soyez consciente et consentante la prochaine fois, ce sera encore plus ...
- Plus quoi ?
- Hot... susurra-t-il à mon oreille.
Je rougis comme une pivoine. Sam recula et me lança une oeillade à faire flancher une bonne soeur avant de disparaître.
Je me laissai glisser de toute ma hauteur le long du mur du couloir. Ce type me tuait !

A suivre ...

dimanche 9 mars 2014

Repas avec un déchu.

En passant devant les vitrines du centre-ville, j'aperçus mon reflet et celui de Sam. Honnêtement nous n'étions pas du tout bien assortis. Moi en coupe-vent, pull, jean et baskets, plus débraillée tu meurs ! Et lui, blouson de cuir, treillis noir, lunettes de soleil et crinière soyeuse au vent. Il avait véritablement la démarche d'une panthère. Je savais pertinemment qu'il observait sa proie derrière ses verres fumés, je n'étais pas dupe mais je le laissais faire. Tout cela m'amusait beaucoup ce matin.
Nous optâmes pour un petit restaurant qui servait des grillades. Depuis 11h00, j'avais les crocs, je rêvais d'un steak cuit à point et d'une montagne de frites !
Le serveur nous installa à une petite table un peu à l'écart, il devait s'imaginer qu'on se bécoterait pendant toute l'heure du déjeuner.
Sam avait relevé ses lunettes au-dessus de la tête. Le champs capillaire était donc dégagé pour que je puisse voir sans problème les deux billes noires qui lui servaient d'yeux. Occupée à lire la carte du restaurant, je savais que Sam ne scrutait pas le menu, son regard était braqué sur moi. C'était tout à fait déstabilisant sachant qu'en plus j'avais des choses sérieuses à lui raconter. A croire qu'il le faisait exprès pour me déconcentrer. Et dire que j'avais promis à Vince d'éviter de le fréquenter mais bon, en même temps, il m'avait demandé de lui parler de Van Helsing dès que je le verrais. Il savait donc que je le rencontrerais forcément à nouveau. Et puis après tout, je n'avais aucun compte à rendre à Vince, je déjeunais avec qui je voulais...
- Miss Chester, vous avez fini de vous planquer derrière le menu ? dit-il en abaissant la carte du bout de l'index.
Je rencontrai ses yeux qui me fusillèrent avec une envie non dissimulée. Oh punaise, il allait finir par me filer des bouffées de chaleur celui-là !Le serveur arriva pour prendre notre commande, du coup la tension retomba un peu.
Sam choisit une entrecôte, tandis que je restai sur mon idée de départ : steak-frites. Mon estomac gargouillait. On nous apporta une coupelle de cacahuètes histoire de patienter. Sam sirotait un whisky sec, moi j'étais au jus de tomates. Quand je disais qu'on était mal assortis, ça se voyait jusque dans le fond de nos verres !
Ce fut le bad boy de service qui rompit le silence le premier.
- Alors que faisiez-vous ce matin à l'église ?
- Je suis allée me renseigner à propos d'une tombe que j'ai trouvée au cimetière cette semaine.
- Et alors ?
- Alors une certaine Nora Elizabeth Chester est censée y être enterrée. Elle a parait-il été brûlée vive en place publique en 1680 pour acte de sorcellerie et entente avec votre patron !
- Pas très cohérent tout cela, marmonna-t-il.
Je sentais que j'avais néanmoins piqué sa curiosité. Sam s'accouda à la table, une main sous le menton.
- Sauf que sa mémoire a été réhabilitée car sa famille a réussi à prouver son innocence quelques années plus tard. L'Église l'a déclarée morte en martyre.
- D'où la tombe toute belle, toute propre, et vide à l'intérieure, j'imagine ...
Je fus interloquée.
- Comment savez-vous qu'elle est toute propre ? Vous m'avez suivie aussi jusqu'au cimetière ?!
Il hocha la tête en signe d'approbation, un chouilla contrarié de s'être vendu tout seul visiblement.
- Nora, vous ne comprenez donc pas que votre vie est menacée ces derniers temps ? Je ne peux tout de même vous laisser vous balader partout sans surveillance.
- Mais qu'est-ce que c'est que ce bazar ? dis-je en haussant le ton.
Vous êtes un ange déchu déguisé en garde du corps ou quoi ?
Pour une fois, Sam était pris en défaut.
- Si vous insistez, on va dire que oui.
J'étais hors de moi, pour qui est-ce qu'ils se prenaient les deux Starsky et Hutch du surnaturel ?! Le déchu et le sorcier qui me surveillaient et me dictaient ma conduite. Hallucinant !
- Et vous vous êtes mis d'accord sur mon dos pour me filer le train avec Vince ?
Sam poussa un long soupir, pour une fois, il semblait gêné.
- Disons que c'est un accord tacite mais ne vous emballez pas Nora, on ne peut toujours pas s'encadrer tous les deux et ça remonte à plusieurs siècles. Vous ne pouvez pas comprendre, vous ne disposez pas de tous les éléments.
- Eh bien expliquez-vous !
J'étais furibonde.
- Pas maintenant, articula-t-il fermement.
Ses yeux charbons étaient sur le point de lancer des flammes, mieux valait que je me calme, je ne savais pas trop ce dont il était capable après tout.
Le serveur arriva avec nos assiettes, il se dépêcha de les déposer sur la table car il avait compris que l'atmosphère n'était pas aux roucoulades.
- Bon puisque vous faites de la rétention d'informations, je ne vous parlerai pas de la visite que j'ai reçue vendredi matin au cabinet.
J'entendis un grondement caverneux émaner de Sam.
Du coup je décidai de lever le camp sans avoir mangé une seule frite. Je me levai pour partir quand il me retint fermement par le bras. Sa force surhumaine me poussa à reposer mon popotin sur ma chaise.
- Nora, ne me refaites jamais une scène théâtrale aussi nulle que celle-ci. Ma patience a ses limites, je vous apprécie beaucoup mais attention, le feu, ça brûle.
- Les menaces ne m'impressionnent pas, grinçai-je.
Rhoooo quelle menteuse je faisais, pour un peu j'aurais fait pipi culotte à la façon dont il m'avait chopé le bras !
- Et moi je n'aime pas les comédies de gamine.
Vlan prends toi ça dans les dents Nora ! Moi une gamine ?! Je rêve !!!
Je tâchai de ravaler ma fierté. Je pris mon couteau et ma fourchette pour attaquer ma viande sans un mot. Je ne laissai même pas traîner une frite dans mon assiette. Sam lui était resté sans bouger, les bras croisés à m'observer jusqu'à la dernière bouchée. Son regard était impénétrable. A se demander s'il avait envie de m'envoyer brûler directement en enfer ou s'il allait me sauter dessus en faisant voler la table dans la salle de resto !
Je m'essuyai délicatement la bouche avec ma serviette. Je la pliai au carré et la reposai sur la table.
- Maintenant dites moi pourquoi suis-je en danger Sam ?
- Dites moi d'abord qui vous avez vu vendredi ! C'est donnant-donnant.
J'avais envie de lui balancer des tartes.
- C'est bon vous avez gagné. De toute manière Vince m'a demandé de vous en parler.
Sam afficha un rictus satisfait.
- Alors je vous écoute.
Il semblait s'être radouci. Il décroisa les bras et entama enfin son entrecôte qui devait être froide. Je ne savais même pas que les anges déchus avaient la sensation de faim et mangeaient comme les humains !
- Un type avec les cheveux gris argentés, plutôt jeune, enfin une petite quarantaine, est venu me voir.
Il me fit signe de continuer pendant qu'il enfournait un nouveau morceau de viande dans sa bouche.
- Gabriel Van Helsing, lâchai-je.
La fourchette de Sam retomba dans l'assiette, il faillit même recracher son entrecôte.
- Ah non pas lui ! s'écria-t-il.
- Pourquoi il y a un problème encore plus gros que celui que j'imagine ?
- Tout dépend de ce que votre esprit est capable d'imaginer. Cet homme ce sont les dix plaies d'Égypte à lui tout seul.
Et bien s'il me voulait me faire peur c'était réussi. Déjà que la visite d'hier m'avait bien refroidie, là j'avais envie de prendre mes jambes à mon cou et de détaller.
- Sam ? dis-je timidement.
- Quoi ?
- Le même nom est apparu dans les archives que j'ai trouvées à l'église. Ce sont les accusations d'un Van Helsing qui ont mené Nora Elizabeth Chester au bûcher.
Sam se pencha au-dessus de la table pour se rapprocher de moi.
- Et ça vous étonne ? répondit-il.
- Je trouve la coïncidence vraiment très étrange.
Il ne me laissa pas poursuivre, il attrapa mon menton au creux de sa main droite afin que je le regarde droit dans les yeux.
- Ma beauté, ce n'est pas une coïncidence. Il est venu finir le boulot. Quand ce mec a une idée en tête, il va jusqu'au bout et il traque tous ceux qui touchent de près ou de loin la cible qu'il s'est fixée.
Je déglutis péniblement. Il allait me rendre mon menton oui ?!
-
Vous n'insinuez quand même pas que c'est le même homme qui a envoyé la Nora de 1680 dans les flammes ?! dis-je abasourdie.
- Ah mais je n'insinue rien, je l'affirme. Vous comprenez pourquoi je vous dis que vous avez besoin d'être surveillée de près ... de très près même ! ajouta-t-il sans pouvoir s'empêcher de me faire un clin d'oeil.
Décidément il n'en perdait pas une celui-là. Il venait enfin de me rendre mon visage, ouf, il était temps, j'ai failli avoir une crampe de la mâchoire !
- Comment pouvez-vous être aussi catégorique ? insistai-je.
- Tout simplement parce-que j'étais là et que j'ai tout vu.
Alors là, il venait de me couper la chique. J'en oubliai de respirer. C'en était trop pour une seule humaine. Sam vit à ma tête qu'il en avait sans doute trop dit en une seule fois.
- Miss Chester, remettez-vous. Cette fois, on ne le laissera pas vous faire de mal.
Tout était confus, il venait de dire quoi ?!
Je ressentis des bourdonnements d'oreille et fus prise de vertige. L'image de Sam tanguait.
Je me retenais à la table afin de ne pas m'écrouler. Le déchu se leva rapidement de sa chaise pour venir me soutenir. Cette fois il ne rigolait plus, il avait l'air inquiet. Il sortit quelques billets qu'il laissa à côté de son assiette. Il tenta de m'enfiler mon manteau tant bien que mal, je n'avais même pas le réflexe de l'envoyer balader. Toute la pièce tournoyait autour de moi. Les voix des autres clients étaient toutes mélangées, j'étais même incapable de dire quelle chanson passait comme musique d'ambiance.
Sam passa un bras sous mes aisselles, un autre sous mes genoux et me souleva comme une plume. J'aurais été incapable de marcher de toute façon. Puis, je sentis de l'air frais fouetter mon visage, comme si je me déplaçais à la vitesse de la lumière. La tête nichée dans son cou, je reniflais le vétiver à plein nez. Il sentait bon. J'eus le dernier réflexe de marmonner "trop de cheveux". J'entendis Sam rire de très loin. J'avais bien chaud lovée dans ses grands bras musclés, je n'avais plus peur. Je m'abandonnai alors au black-out.


A suivre ...


samedi 8 mars 2014

A la pêche aux indices

Et voilà avec tout ce bazar, j'avais carrément oublié de parler de cette pierre tombale étrange à Vince. Entre la tempête et les étoiles, je commençais à marcher à côté de mes pompes ! Je n'avais pas sommeil. Sam ne s'était pas manifesté et heureusement car je ne savais pas si j'aurais été capable de supporter une autre créature surnaturelle pour le reste de la soirée. Le vent soufflait tellement fort que les fenêtres étaient secouées. Win, très courageux, avait fichu le camp pour se cacher aux toilettes. Du coup, j'embarquai mon ordinateur portable jusque dans ma chambre et me mit au lit avec l'engin sur les genoux. Je voulais faire quelques recherches à propos de la Nora Elizabeth Chester du cimetière. Je ne pensais pas trouver grand chose d'intéressant mais on ne savait jamais.
Je lançai Google et j'obtins une réponse tout à fait sibylline à ma question :
"Femme accusée de sorcellerie, brûlée vive en place publique de Cambridge en 1680"
Super encore mieux ! Qu'est-ce que j'avais encore été farfouiller là-dedans moi ? Je n'en avais déjà pas assez avec un sorcier immortel que je remettais le couvert avec cet homonyme. Manque de chance pour moi, je n'avais jamais eu l'occasion ou l'envie de remonter dans mon arbre généalogique pour connaître les turpitudes de mes ancêtres ... Mais maintenant que ma curiosité était titillée, il fallait que j'aille jusqu'au bout. Je décidai donc de téléphoner à ma mère malgré l'heure tardive.
- Salut m'man !
- Nora ? Tu as vu l'heure ?! grogna-t-elle à moitié endormie.
Ouais bon il était près de 23h mais il n'y a pas d'heure pour les braves !
- Désolée de te déranger si tard mais j'ai une question à te poser et ça ne peut pas attendre demain.
- Je t'écoute, dit-elle dans un bâillement.
- Sais-tu si parmi nos ancêtres il y a eu une Nora Elizabeth Chester accusée de sorcellerie en 1680 ?
- Et c'est pour ça que tu me réveilles ? Pour une sorcière ?!
Écoute ma chérie, je n'en sais strictement rien. Tu devrais aller aux archives de l'État civil ou voir si le prêtre de la paroisse de Cambridge peut te répondre parce-que moi là j'ai sommeil.
Je percevais un net agacement dans sa voix. Je n'insistai donc pas.
- Ok merci m'man et bonne nuit. Désolée pour le dérangement ... Je t'embrasse.
- Oui moi aussi. Bonne nuit.
Et la conversation fut interrompue aussi sec. J'adorais le dévouement de mon aimable mère. En dehors du fait de vouloir me caser à toute force, il ne fallait jamais rien lui demander !
Mon cerveau était en ébullition. Pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ?
Dès demain j'irais à la pêche aux renseignements. Le bureau d'État civil était fermé le samedi matin mais j'aurais sans doute plus de chance avec les archives tenues par les religieux de l'époque. Encore faudrait-il que je puisse avoir accès à ces documents...
Je décidai donc d'aller me coucher en espérant ne pas faire de rêves totalement délirants. Win vint se blottir contre moi au dessus des couvertures, cette tempête lui fichait une trouille monstre. Je me demandais où Vince avait bien pu se précipiter aussi vite tout à l'heure, je ne savais même pas où il vivait. Encore une question de plus qui restait sans réponse. Là dessus, je m'endormis en repensant à la pluie d'étoiles ... Ce type était une véritable énigme mais quels pectoraux sous son pull ... dommage que tout soit si compliqué sinon je m'y habituerais vite fait croyez moi !
Le lendemain matin, le ciel était dégagé, et ô miracle, le soleil était de retour. Une journée fructueuse s'annonçait, je ne devais pas laisser passer ma chance. Une intuition juste comme ça. Avant tout je cherchai le numéro de téléphone du presbytère pour savoir si je pouvais y passer ce matin, pas la peine de me casser le nez si personne n'était là. Je tombai directement sur le prêtre qui me dît de le retrouver à l'église. J'enfilai rapidement mon manteau et mis mes baskets pour partir au pas de course car le père Clemens n'avait que peu de temps à m'accorder.
Je n'étais pas une grande fan de religion, et quand on y réfléchissait bien, les curés faisaient exactement le même boulot que moi, sans se faire payer en plus ! Écouter les malheurs des gens représentait notre principal point commun.
L'air du dehors s'était considérablement réchauffé mais quand je pénétrai dans la maison du seigneur, un froid glacial s'abattit d'un coup sur mes épaules. Je parcourus les allées à la recherche du père Clemens et finis par lui mettre la main dessus dans la sacristie.
- Ah ! Miss Chester ! Je vous attendais, dit-il gentiment.
- Merci de me recevoir si vite mon Père, j'espère ne pas abuser de votre temps.
- N'ayez crainte j'ai tout de même un petit moment à vous accorder. Je vous écoute, que puis-je faire pour vous exactement ?
- Et bien voilà, je souhaiterais faire des recherches sur une certaine Nora Elizabeth Chester née en 1650 et morte en 1680 à Cambridge. J'ai lu sur internet qu'elle a été accusée de sorcellerie et qu'elle a péri sur un bûcher. J'ai quelques raisons de penser que cette femme a pu faire partie de mes ancêtres et j'aimerais en apprendre plus.
- Je vois, dit le prêtre en hochant la tête. Vous savez que de nombreuses archives ont été détruites, ou bien transférées à Londres ou carrément au Vatican. Je ne voudrais pas vous donner de faux espoirs, il se peut que les documents qui restent en notre possession ne vous apprennent rien du tout.
- Je m'en doute mon Père mais j'aimerais malgré tout jeter un coup d'oeil si cela ne vous ennuie pas.
- Bien sûr. Suivez-moi, nos archives se trouvent dans une pièce spéciale aménagée dans la crypte.
Oh punaise, en plus il fallait faire archéologie ! Je n'avais pas l'âme ni les connaissances d'Indiana Jones moi !Je suivis donc le père Clemens dans un dédale de couloirs éclairés par de petites loupiotes. Autant dire qu'on ne voyait pas grand chose. A un moment il s'arrêta devant une porte en bois très ancienne et sortit de sa poche une clé immense. Deux tours et la porte s'ouvrit en couinant. Une chance pour moi, l'électricité fonctionnait correctement dans cette pièce. Le père Clemens farfouilla dans plusieurs rayonnages jusqu'à revenir avec une épaisse chemise cartonnée qui contenait les seuls documents datés du 17e siècle encore présents à Cambridge.
Comment des documents aussi anciens pouvaient-ils trainer au fin fond d'une église sans plus d'égards quant à leur conservation ?!
Le prêtre me laissa seule et me dit de venir le retrouver à la surface quand j'en aurais fini avec mes recherches. Je tournais les pages avec précaution, j'avais entre les mains des pièces uniques, ce n'était pas le moment de les déchirer par un geste maladroit d'autant que l'humidité de la crypte était passée par là avant moi. Heureusement, un classement par date avait déjà été effectué. J'arrivai enfin à l'année 1680 et tombai miraculeusement sur des détails qui pouvaient m'intéresser. Il était écrit qu'un simulacre de procès avait eu lieu concernant Nora Elizabeth Chester accusée de sorcellerie et d'entente avec le Diable. Le procès avait été mené d'après les accusations d'un certain Van Helsing. C'était la meilleure celle-là ! En mars 1680, elle fut condamnée à être brûlée vive en place publique. Quelques années plus tard, son honneur fut réhabilité car sa famille avait fini par prouver son innocence à force de témoignages glanés au cours du temps. Pour réparer son erreur, l'Église la déclara morte en martyre. Bah voyons !
Cette fille avait 30 ans comme moi, un peu jeune pour mourir pour des conneries. Quelle sale époque ! Les archives ne donnaient aucune autre indication, je décidai donc d'en rester là. Je refermai le dossier et allai rejoindre le père Clemens qui travaillait à la rédaction de son sermon du dimanche.
Je le remerciai chaleureusement pour sa précieuse aide et m'en retournai au soleil afin de réchauffer mes os.
Je me trouvai sur le parvis de l'église et fermai les yeux un instant pour respirer calmement et faire le tri dans ce que je venais d'apprendre.
- Alors Miss Chester, on devient bigote ?
J'aurais dû m'y attendre. Où j'allais, Sam allait aussi !
- Oula non, je ne suis pas désespérée au point de devoir aller prier dans un lieu saint ! Enfin pas encore ...
- J'espère bien, je déteste voir de jolies femmes désespérées. Imaginez un peu, il faudrait que je vous console pendant des heures ... et plus si affinités ! dit-il en riant.
Je levai les yeux au ciel. Parfois Sam était horripilant mais aussi affolant dans tous les sens du terme. J'ai déjà dit qu'il serait sexy sans cheveux longs ?!
 - Heureusement pour vous, je n'ai fait que de la recherche historique et aussi un peu généalogique, je l'avoue.
- Tiens donc vous vous lancez dans la psychogénéalogie Miss Chester ?
Visiblement j'avais piqué la curiosité de Sam.
- Pas dans le sens où vous l'entendez mais c'est une longue histoire, soupirai-je.
- Écoutez, vous tombez très bien, j'ai tout mon temps. J'adore les histoires à rallonge.
Je m'apprêtais à repartir à la maison mais puisque Sam insistait et comme j'avais faim ...
- Très bien invitez moi à déjeuner et je vous raconte tout depuis le début. De toute manière, je devais vous parler d'un problème bien précis.
Sam eut l'air surpris que je veuille de sa compagnie et néanmoins ravi, étant donné le sourire qu'il affichait. Carnassier le sourire. Genre Sylvestre qui se lèche les babines devant Titi ...
- Parfait je vous accompagne, dit-il en m'emboîtant le pas.
Pour un peu il aurait dansé la gigue en plein milieu de la rue.

A suivre ...