jeudi 4 décembre 2014

Aux portes du ciel

Quelques heures plus tard dans mon appartement.
- Maman ? ...
Pas de réponse. J'essayai un peu plus fort. Win se faufila entre mes pieds.
- Maman ?
Toujours rien.
- Lilaaaaaa !!!!!!! Mère indigne, espèce d'ange à deux balles !!!! Vas-tu ramener tes ailes ici vite fait ?!
Dorénavant, je ne comptais plus donner dans la délicatesse avec elle. Pour le peu d'aide et de tendresse qu'elle m'avait apportée, je n'avais pas à prendre de pincettes.
- Comment ça ange à deux balles ???? Non mais dis donc jeune fille, tu veux que je te botte les fesses à coup de fouet céleste ?! Ton joli popotin aurait de chouettes brûlures ! dit-elle avec un sourire narquois.
- Ah ! Enfin ! J'ai failli attendre, m'exaspérai-je. Ton sonotone est en panne ou quoi ?!
Pour toute réponse, j'obtins un grondement sourd. Quelque chose me disait qu'elle avait envie de me voler dans les plumes depuis une éternité !
- Que veux-tu Nora ? claqua-t-elle.
Je mis directement les pieds dans le plat.
- Je veux aller là-haut ! dis-je en désignant le ciel de l'index.
Énorme soupir.
- Tu crois quoi jeune écervelée ?! Que tu peux monter quand l'envie te prend juste pour aller te balader ?
- De toute façon, je vais être convoquée tôt ou tard. Je ne fais que devancer l'appel.
- Mmm ... Et tu comptes faire quoi là-bas ? s'enquit-elle.
- Ah parce-qu'en plus, il faut un motif pour rentrer au bercail ! Génial !
Je soufflai bruyamment.
Si tu veux tout savoir, j'aimerais m'entretenir avec Métatron.
Lila éclata de rire !
- Et puis quoi encore ?! Un entretien avec le Big Boss aussi ?
Je levai le regard vers elle, très sérieuse.
- Si c'est nécessaire, pourquoi pas !
Lila marmonna pour elle-même :
- Elle est dingue, complètement barge, suicidaire, bonne à enfermer ! Et dire que c'est elle la psy ! Je rêve !
- Dis donc Lila, tu n'es pas obligée de faire comme si nous n'étions pas dans la même pièce toutes les deux.
Elle plissa les yeux, et afficha une fois de plus son petit sourire narquois qui m'agaçait tant.
- Très bien, si tu tiens tant que ça à provoquer la colère du Conseil des Cinq et à te prendre la correction de ta vie par Métatron, c'est avec une joie non dissimulée que je vais t'accompagner !
Lila émit un rire presque diabolique à l'idée que je me fasse démolir.
Je donnai un dernière caresse à Win avant de décoller.
Ma fausse mère me prit par la main et nous nous dématérialisâmes.

Finalement, le paradis n'est pas du tout comme on l'imagine avec les nuages et les séraphins qui jouent de la lyre. D'abord les séraphins sont très loin des petits angelots joufflus au sourire enfantin, ils sont aussi sympas que des trolls, donc pas très commodes. Moi qui m'attendais à un accueil teinté de chaleur et de douceur, c'est comme si j'étais tombée sur un rassemblement de dames pipi acariâtres qui font passer un contrôle de douanes ! Que de la balle, vas-y Nora serre les fesses et souris poliment !
-
C'est à quel sujet  ? demanda une des miniatures célestes dodue à souhait.
Lila se racla la gorge et me lança un regard par en dessous qui en disait long sur son impatience.
- La demoiselle voudrait s'entretenir avec M, répondit-elle ironiquement.
- Vous croyez qu'il n'a que ça à faire ?! M ne reçoit que sur rendez-vous pris à SON initiative.
Lila leva les yeux au ciel.
- Je sais tout ça trésor, mais la demoiselle insiste ...
Le séraphin commença à s'agiter devant son pupitre.
- Et pourquoi donc ? Elle se croit au-dessus du panier la petite dame ?! Elle a peut-être une langue pour parler d'ailleurs, dit-il en me toisant méchamment.
Je me redressai, limite au garde à vous.
- Identité, date de décès, je vous prie ! articula-t-il.
- Chester Nora, morte en 1680.
Le séraphin fit mine de consulter ses fichiers sur son ordinateur. Et tout à coup des bips bips retentirent.
- Vous êtes cette Nora là ????
Je haussai les épaules d'incompréhension.
- Passez votre main sous le scanner que je vérifie que vous êtes bien celle que vous prétendez être.
Je posai ma main sur un rectangle vitré froid. Un rayon vert passa trois fois sous ma paume.  Pendant ce temps, Lila se limait les ongles, à croire qu'elle n'avait que ça à faire dans un moment pareil.
Je me retins de siffloter pour cacher mon malaise.
- Misère ! C'est bien Elle !!!! lâcha le séraphin.
Je l'imaginais bien avoir la goutte de sueur froide en plein milieu du dos, juste entre ses toutes petites ailes dorées.
- Alors est-ce que je peux le voir ou pas ? hasardai-je.
- Un instant s'il vous plait, dit-il complètement affolé. Visiblement, il ne savait plus du tout où il campait. Le séraphin se précipita vers ses collègues en plein bavardage céleste. Tout à coup, un grand silence tomba, toutes les bouilles rondes des angelots se tournèrent vers moi, pleines d'incrédulité. Puis ils se retournèrent et formèrent un cercle serré. On aurait dit une mêlée de rugby ! Ca sentait limite le complot, moi je vous le dis ! 
Après plusieurs minutes de concertation, Séraphin 1er revint vers nous.
- Je vais prévenir que vous êtes là, souffla-t-il en déglutissant avec peine.
Il prit une sorte de téléphone portable transparent avec d'infimes précautions, composa un numéro et visiblement la personne qui l'obtînt à l'autre bout de l'appareil n'était pas plus ravi que cela de ma présence. Séraphin 1er écarta le combiné de son oreille tant son interlocuteur se déchaînait.
Je perçus des bribes de conversation du style "Comment ça Elle est là ? Et Elle veut Le voir ?! Elle va encore semer la zizanie dans le Conseil !!! etc, etc ..."
Visiblement et sans mauvais jeu de mots, je n'étais pas en odeur de sainteté ici. C'était la meilleure de l'année !
Après avoir frôler une explosion du tympan gauche, Séraphin 1er nous montra un ascenseur, enfin l'engin tenait plus d'une plateforme en verre trempé, et nous dît de monter au cinquième niveau. Lila ne cacha pas son envie d'être ailleurs. Elle paraissait très mal à l'aise tout d'un coup. Son envie de me voir me faire remettre en place lui avait passé assez rapidement tout compte fait. Cette ascension jusqu'au niveau cinq sembla durer une éternité.
- Tu sais chez qui on va ? lui demandai-je.
- Pfff ... il faut vraiment tout te dire à toi ? Tu ne peux pas faire fonctionner ta mémoire un petit peu ?!
Je plissai les sourcils.
- Dois-je te rappeler qu'on m'a effacé tous mes souvenirs avant de me faire descendre sur Terre ? répondis-je sèchement.
Lila rit de bon coeur.
- La bonne excuse !
Ding !! Nous étions arrivées à destination.
Je me retrouvai face à une double porte géante avec un écriteau doré sur lequel était inscrit "CONSEIL DES CINQ - NE PAS DÉRANGER".
Lila me donna une bonne tape dans le dos. Je me retournai furieuse.
- Désolée, mais c'est ici que je t'abandonne, je tiens à garder mes ailes encore quelques siècles !
Et pouf, elle s'éclipsa. Quelle bourrique !
Bon et bien puisque j'étais là, je ne pouvais plus faire demi-tour. Je commençais à me sentir aussi nerveuse que Séraphin 1er mais il ne fallait rien laisser paraître.
Nora, bon sang, souviens-toi de ce séminaire sur la gestion du stress. Ca disait quoi déjà ?? Nulle que j'étais, c'était moi qui avais donné cette conférence et je ne me souvenais de rien. Fabuleux ! Alzheimer ça commence comme ça en plus !
Je n'eus même pas le temps de gratter à la porte qu'un des battants s'ouvrit en grinçant. Ils pourraient huiler les gonds quand même, que fait la maintenance ici ?! Elle se roule les pouces !
Je pénétrai dans un long couloir plutôt sombre. Honnêtement, je pensais que les couloirs du Ciel étaient plus lumineux que cela, on se croirait dans un immeuble de bureau assez sinistre. Je débouchai sur une sorte de salle de conférence avec une table ronde en pierre au centre . Pour un peu, il ne manquait plus que le roi Arthur et ses chevaliers ! Il n'y avait pas âme qui vive. J'attendis quelques instants, toujours personne. Je pris la liberté de m'asseoir sur l'un des cinq fauteuils en cuir qui me tendaient les bras. Impertinente que j'étais !
Je venais à peine de poser mon popotin qu'un colosse blond se matérialisa sur le siège opposé.
- Que viens-tu faire ici Nora ? dit-il d'une voix caverneuse.
Je me redressai sur mon siège.
- A qui ai-je l'honneur ? pépiai-je.
- Ah oui c'est vrai, l'amnésique de service c'est toi ! Si Michel savait que tu te trouves dans son fauteuil, il ferait vilain.
Je fis un sourire timide.
- Pour ta gouverne, je suis Uriel, archange supérieur du Conseil. Je réitère donc ma question. Que veux-tu ?
- Parler à Métatron.
- On ne prononce jamais son nom sans y avoir été autorisé. C'est le bras droit du Big Boss et pour le commun des mortels et des autres anges, c'est M.
Et on ne dérange jamais M, c'est lui qui convoque, pas l'inverse. Repars d'où tu viens, s'il veut te voir, tu le sauras bien assez vite.
Je croisai les jambes et me mis en mode psy qui ne se laisse pas impressionner.
- Et vous pensez que j'ai fait tout ce chemin pour repartir sans l'avoir vu ?!
- Je te conseille de ne pas insister, tu pourrais y perdre tes ailes et finir au purgatoire. Demande à Sam, je suis sûr qu'il serait ravi de te raconter comment ça a chauffé pour son matricule.
Uriel posa ses grosses mains au-dessus de la table.
- Il n'est pas très bavard à ce sujet, il m'en parlera bien s'il le veut un jour ou l'autre.
- Quel est ton intérêt de venir provoquer M de la sorte ?
- Je ne suis pas venue le provoquer, je voudrais avoir des explications concernant ma mort, mon amnésie, mes 30 ans de vie terrienne sous surveillance pendant lesquels on m'a laissée dans l'ignorance. Et je sais que M est derrière tout cela. Ce que je voudrais savoir c'est pourquoi ?
- On t'a renvoyée sur Terre à cause de tes bons et loyaux services.
- Bah voyons ! A d'autres ! aboyai-je.
- Hum hum ... émit une voix.
Je me retournai sur mon siège et fis face à un grand brun bien bâti, mâchoire carrée et volontaire, il portait un survêtement de sport. Rien à voir avec la toge et les ailes blanches auxquelles on s'attend avec un archange.
- Raphaël, ne te mêle pas de ça ! tonna Uriel.
- Et pourquoi donc ? répondit calmement le nouvel arrivant.
- Ce ne sont pas tes affaires !
- Désolé, mais si ! Je me suis opposé à sa éviction sur Terre ! lâcha Raphaël.
Elle a le droit de savoir pourquoi vous l'avez fichu dehors.
J'étais assez décontenancée par le tour que prenait la conversation.
Je les interrompis.
- Alors pourquoi m'a-t-on ramenée en bas enfin ? insistai-je.
Raphaël posa un regard gentil sur moi.
- Très chère, ils t'ont virée par un vote à main levée à trois contre deux, parce que tu foutais le bordel dans le Conseil !
Je m'étranglai avec ma salive.
- Pardon ???
Uriel tapa du poing sur la table.
- Boucle-la Raphaël ! gronda Uriel.
- Bah quoi ? Tu ne vas pas dire que vous n'étiez pas en pétard, Michel, Gabriel et toi parce-que Nora était devenue la petite chouchou de M et qu'il voulait en faire une archange ?
Je comprenais de moins en moins l'histoire, j'étais sur le point de perdre le fil !
- Hop hop hop ! Pouce les gars ! m'écriai-je.
Uriel me lança un regard noir et Raphaël resta avec une phrase assassine pendue au bout des lèvres.
Je décidai de ne plus m'encombrer de circonvolutions.
- Écoutez-moi bien, ce n'est pas que je m'ennuie avec vous deux, notre discussion est d'ailleurs fort instructive, mais ce n'est pas vous que je suis venue voir. Où se trouve M ?
- Tu n'iras nulle part hormis au rez-de-chaussée pour repartir chez toi ! vociféra Uriel.
Le colosse blond s'était levé d'un bond, son fauteuil recula et alla s'encastrer dans le mur avec violence.
Et bien, ce n'était pas peace and love au royaume des cieux !
Raphaël lui barra le passage avant qu'il ne vienne me tordre le cou. Je demandais si l'homicide volontaire entre anges était puni par la loi divine ?!
- Ascenceur 7e niveau ! Dépêches-toi Nora, je vais le retenir autant que possible ! Cours !
Je pris mes jambes à mon cou et détalai comme un lapin. Et dire que j'étais un ange et que je ne savais même pas voler ! Fabuleux !
Par chance, la plateforme en verre trempée m'attendait bien sagement alors que je percevais des éclats de voix et des bruits de bagarre dans la salle du Conseil.
Raphaël avait raison sur un point, en un rien de temps, j'avais mis le bazar alors que je venais juste d'arriver.
- Septième  niveau, articulai-je toute essoufflée d'avoir couru.
L'ascension débuta et mon humour à la con de psy reprit le dessus. Septième niveau ... septième ciel ... euh ... Métatron serait -il l'archange des galipettes ??!!
Honte à toi Nora ! Tu ne respectes vraiment rien !!! 
A suivre ...










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